samedi 13 décembre 2008

Les Subsonics

Pascal D. ne sait plus combien il a de vinyles. La dernière fois qu'il avait entrepris de les compter, il y a deux ans, il en dénombrait 857. Mais compte tenu des dizaines de disques qu'il a achetés depuis, bien malin qui pourrait estimer sa collection aujourd'hui.

Sous les étuis en plastique qui, comme il se doit, protègent chacun des disques de Pascal D. se cachent un certain nombre de raretés. Par décence ou par goût du mystère, notre ami a pourtant toujours refusé d'avouer combien lui avait coûté sa première édition des enregistrements Sun d'Elvis en 1955 ; Pascal précise seulement que cet exemplaire est introuvable, même sur eBay.

Dans la mesure du possible, chaque disque figure en deux exemplaires dans sa collection : une version pour l'écoute et une version vierge que Pascal conserve sous cellophane, en se gardant bien de l'abîmer. Et s'il n'en possède qu'un seul exemplaire, il préfère ne pas l'écouter.

«Chez moi on n'écoute pas de cédés !» ai-je entendu plusieurs fois Pascal se fâcher devant des invités. Il faut dire que la platine Bang & Olufsen qui trône au milieu de son salon a fort bel allure. Elle constitue un écrin parfait pour toutes les pépites qui tapissent le mur de son appartement.

Tous les week-ends, Pascal nettoie ses disques en y vaporisant quelques gouttes d'eau distillée (l'eau du robinet laissant, selon lui, des dépôts calcaires épouvantables) et en les frottant délicatement avec une peau de chamois. Achetée toutes les deux semaines dans une petite boutique de la rue de Rome, celle-ci est destinée, initialement, au nettoyage des tubes de clarinette. Mais, pour Pascal D., il s'agit de la seule méthode décente pour entretenir les vinyles. Surtout, n'essayez jamais de lui parler de Sanotech, de Tergitol ou de tous ces produits chimiques : il en mourrait !

La collection de disques de Pascal D. fait rêver avec ses raretés Freakbeats de John's Children ou des Creation, avec son 45 tours pressé par les White Stripes à seulement 1000 exemplaires ou encore toutes ses raretés Soul ou spectoriennes.

Pourtant, il est un disque que Pascal D. n'a pas ; c'est Die Bobby Die des Subsonics. Et moi je l'ai ...

Subsonics - Don't answer the phone (2005)
Subsonics - Electricity (2005)
(site / acheter Die Boddy Die chez Soundflat)

dimanche 30 novembre 2008

La Minute Yéyé (7) : Gillian Hills / Catherine Ribeiro

Bonne nouvelle : la Minute Yéyé est de retour ! Et comme elle vous a fait languir ces derniers temps, elle sera double aujourd'hui avec, au programme, deux belles pousses, une blonde et brune. Point commun : elles ont toutes les deux mené de front une carrière d'actrice et de chanteuse.

Gillian Hills


Par quel truchement et par quel coup de Trafalgar retrouve-t-on Gillian Hills dans la Minute Yéyé, en entends-je déjà crier. En effet, voilà un nom qui évoque plus volontiers la perfide Albion que les collines bourguignonnes, les massifs armoricains ou les ouiches lorraines.
Pourtant, et j'insiste, ces accusations ne sont pas fondées : Gillian Hills est bel et bien française (avec quelques litres de sang briton tout de même) et, pour preuve, chante sans l'accent de Jane Birkin.

Maintenant que l'honneur de la demoiselle est rétabli, intéressons-nous à «Rien n'est changé», son dernier enregistrement. Pour ce disque, Gillian et ses producteurs décidèrent de la jouer façon Françoise Hardy, avec des arpèges mélancoliques et des paroles murmurées qui, on le devine, évoquaient de tragiques histoires de romances estivales et d'amours adolescentes brisées.

Gillian Hills - Rien n'est changé (1964)
(acheter Gillian Hills chez Gibert Joseph)


Catherine Ribeiro

À mes yeux, le «Rien n'y fait, rien n'y fera» de Catherine Ribeiro occupe une place particulière dans la galaxie yéyé ; en effet, il évoque de façon tout-à-fait frappante le célèbre film Misery (inspiré d'une nouvelle de Stephen King). Rappelez vous de cette histoire terrifiante d'un écrivain à succès qui, accidenté un soir de blizzard, est recueilli par l'une de ses admiratrices. Les jambes brisées et bloqué par les intempéries, il doit lutter contre les avances de cette folle furieuse qui, tour à tour, envisage de l'épouser et de le tuer.

Les paroles de Catherine Ribeiro corresponde parfaitement à la psyché de ce personnage, passionnée et psychopathe à la fois. L'impression est renforcée par la voix, disons un peu fausse, de Catherine. Quelque chose d'effrayant et de furieux se dégage en tout cas de cette chanson avec cet extraordinaire jeu de guitare feuze. Moi j'en frissonne ...

Catherine Ribeiro - Rien n'y fait, rien n'y fera (1966)
(site / acheter L'intégrale Femmes de Paris chez Soundflat)

lundi 17 novembre 2008

À bas Myspace !

À l'initiative du site Heebooh, une lutte mortelle vient d'être engagée entre Myspace et les combattants de la liberté. Ardent défenseur de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'Informaticien, je ne pouvais demeurer indifférent devant ce combat de titans.





Moche, lent, affreux, absolument incompréhensible : Myspace est une horreur qui mérite de mourir. Certes, me direz-vous, ce site ne lèse personne puisqu'il est gratuit. Mais l'ennui est qu'il vampirise l'ensemble de la toile, distillant sa médiocrité dans toutes les strates de la société. Aujourd'hui par exemple, presque tous les groupes de musique se mettent à abandonner leur joli site Internet pour le remplacer par une page Myspace absolument nauséabonde ; itou pour les labels ou pour les salles de concert.

Bref, il faut réagir avant qu'il ne soit trop tard. Et c'est pourquoi je lance un Appel depuis Londres à tous les défenseurs du bon goût et des bonnes mœurs :

●À tous les musiciens : arrêtez de créer des pages Myspace ; faites plutôt des sites personnalisés ;
●Aux blogueurs : ne mettez plus de liens vers les pages Myspace ;
●À l'esprit diabolique et torturé qui a créé Myspace : repens-toi et Dieu te pardonnera ;
●Aux concurrents de Myspace : démenez-vous pour créer quelque chose de mieux ;
●À ceux qui continueront à utiliser Myspace : vous serez tondus à la Libération ;
●Aux informaticiens boutonneux : vous êtes moches ;
●Aux guics : faites l'amour, pas la guerre sur Starcraft ;
●Aux Dead Kennedys : enregistrez-nous une suite de votre fameux «MTV get off the air» («MTV, sors de l'antenne !») qui s'intitulera «Myspace get off the air».

Dead Kennedys - MTV get off the air
(site / acheter Frankenchrist sur Amazon)

Et comme, malgré tout, je suis bon prince, j'offre à tous les fans de Myspace leur hymne national :

(site / acheter Le Meilleur de Michel l'ingénieur informaticien chez Pudding)
Dead Kennedys - MTV get off the air

lundi 10 novembre 2008

Adam Green et Ben Kweller


Point de longs discours aujourd'hui : écoutons simplement la lumineuse reprise de «Kokomo» (des Beach Boys) enregistrée en 2003 par Adam Green et Ben Kweller.

L'association des deux chevelus avait dû paraître alléchante à cette époque.

D'un côté, le New-yorkais Adam Green (à droite sur la photo et voix grave sur le morceau), moitié des Moldy Peaches et tête de proue de la scène antifolk (c'est-à-dire néo-folk) du début des années 2000. Pour ceux qui ne sauraient pas, les Moldy Peaches s'étaient rendus célèbres grâce à leurs déguisements de lapins et grâce à leurs chansons déstructurées qui décrivaient le quotidien des jeunes loques new-yorkaises. Une sorte de réminiscence du Velvet Underground en quelque sorte.

De l'autre côté (donc à gauche sur la photo et voix aigüe sur le morceau), Ben Kweller, Texan émigré à New-York qui, avec son éternelle tête de 14 ans, sortait Sha Sha en 2002. Cet album avait marqué, tant par sa pochette (représentant Ben en plein brossage de dents) que par son contenu : une collection de joyaux pop digne d'un Paul McCartney.

Pareils curricula vitae pouvaient susciter bien des attentes. Mais l'éphémère duo sut se montrer à la hauteur avec une ballade parfaite (du moins sans le saxophone final), l'une des plus réussies de la décennie.

Adam Green et Ben Kweller - Kokomo
(site de Green / site de Kweller / acheter Jessica à la Fnac)

vendredi 31 octobre 2008

Jonathan Richman et les Modern Lovers


Avant de parler de «Jonathan Richman et des Modern Lovers», précisons que cette appellation ne désigne pas un groupe en particulier mais une succession de formations qui ont accompagné Jonathan Richman (à droite sur la photo) tout au long des années 1970. Qui est ce brave homme, essentiellement connu pour son rôle de ménestrel dans le film Mary à tout prix ? Simplement le personnage le plus sympathique et le plus attachant de l'histoire du rock. L'un des plus atypiques et des plus talentueux également.

Pourtant, Richman est l'antithèse parfaite du personnage rock, au sens «sexe, drogue et rock'n'roll» du terme. Jonathan Richman était, et est certainement toujours, un mec sain, souriant et éminemment gentil ; l'un des rares rockers que l'on souhaiterait avoir pour ami ou pour frère. Car il faut bien l'avouer, dans la vraie vie, je ne voudrais à aucun prix avoir Iggy Pop ou Johnny Rotten parmi mes proches !


Juif de la Côte Est (Boston), le jeune Jonathan se rendit à la fin des années 1960 à une performance du Velevet Underground, alors de passage à Boston, et en fut si retourné qu'il partit les suivre à New-York, conduisant leur bus et assurant à l'occasion leur première partie. Lorsque Lou Reed et John Cale quittèrent le groupe en 1970, Richman estima qu'il était temps de retrousser ses manches, de voler de ses propres ailes, et de se lancer à son tour dans la musique.


De retour à Boston, il forma les Modern Lovers avec, entre autres, son voisin John Felice (futur leader des excellents Real Kids), David Robinson (futur Cars) rejoints plus tard par Jerry Harrison (futur Talking Heads), c'est-à-dire, rétrospectivement, une belle brochette de champions.


La joyeuse bande commença à jouer à droite et à gauche devant les nombreux étudiants de la ville, Jonathan distillant toutes ses influences velvetiennes dans «Pablo Picasso» ou «I'm straight». Ce dernier morceau, avec sa guitare minimaliste, tranchante, et répétitive avait d'ailleurs le chic pour faire frémir la barbe de tous les babas pas si cools qui, à cette époque, garnissaient les campus :


«Écoute, je t'appelle à propos de Johnny, le hippie : il est tout le temps défoncé, il n'a jamais l'esprit clair. Je t'ai vue aujourd'hui te promener avec lui et, tu vois, il fallait que je t'appelle pour te dire que j'aimerais bien prendre sa place. Regarde : il est défoncé, Johnny le hippie ! Et ben moi, tu vois, je suis un mec sain et j'ai envie de prendre sa place ; je suis un mec sain !»

Jonathan Richman et les Modern Lovers - I'm straight

(acheter The modern lovers à la Fnac)



On le voit, à une époque où Yes, Jethro Tull et toute leur horde de hippies triomphaient, les Modern Lovers naviguaient un peu à contre-courant. Pis, lors de cette atroce période musicale que fut le début des années 1970 (la pire de l'histoire du rock), les Modern Lovers étaient quasiment les seuls à oser encore jouer du garage et du rock 60s à trois accords. La chance voulut qu'ils furent bons. Le garage, ils le réinventèrent même avec le frénétique «Roadrunner», souvent considéré (à tort) comme le premier morceau punk.


Autre air tourbillonnant datant de 1973 : «Government center», enregistré sous la houlette de Kim Fowley (le personnage le plus déjanté jamais interviewé par Rock'n'Folk). Voilà simplement l'une des chansons les plus entraînantes et les plus énergiques que je connaisse. Les paroles expliquaient justement comment le groupe ambitionnait de jouer sur la place centrale de Boston pour faire danser les secrétaires et leur faire coller leurs timbres en rythme. Tout ça démarrait sur une ligne de basse accrocheuse, relayée immédiatement par un orgue sautillant et par le timbre enjoué de Richman. Non, vraiment, on fait difficilement mieux en matière de rock'n'roll.


Jonathan Richman et les Modern Lovers - Government center

(acheter The modern lovers à la Fnac)


Ce côté garage et quelque peu sauvage ne doit cependant pas éclipser une autre facette qui, lentement, allait éclore chez les Modern Lovers. Le groupe prit en effet l'habitude de jouer dans des écoles primaires, des établissements psychiatriques, des hôpitaux pour enfants ou pour personnes âgées. C'est face à ces publics insolites que Jonathan Richman modifia petit à petit sa manière d'appréhender la musique.


L'électricité des premiers enregistrements commença à laisser place à des morceaux acoustiques, tout en douceur, sur lesquels Richman pouvait dévoiler son univers naïf et enjoué, enfantin même ; un univers dans lesquel il chantait tour à tour son amour pour les insectes ou pour la cloche du marchand de glace, accompagné par des sonorités caribéennes, orientales ou 50s.


Parmi les merveilles enregistrées à cette époque, Jonathan Richman dédia l'une de ses chansons à sa terre natale (la Nouvelle-Angleterre), peut-être le plus bel hommage jamais rendu à une patrie :


«Mesdames et messieurs, je suis allé à Paris, je suis allé à Rome, mais que pouvais-je bien y faire à part regretter mon pays ? Je suis allé à l'Ouest, en Californie, mais ma terre natale me manquait. Dum-de-dum-de-dum-de-dum-day, o-oh : la Nouvelle-Angleterre !»


Jonathan Richman et les Modern lovers - New-England

(acheter Roadrunner, roadrunner, the Beserkley collection sur Amazon)


Richman et ses garçons ont influencé toute une légion de punks, ils ont enthousiasmé toute une tripotée d'enfants et de grandes personnes. Mais cela ne doit pas nous faire oublier qu'ils étaient aussi et avant tout de remarquables musiciens. Il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter les enregistrements de concerts datant de la fin des années 1970, et de remarquer la maestria dont faisait preuve Jonathan à la guitare ainsi que son aisance au chant.


Surtout, lui et ses musiciens parvenaient à jouer à l'instinct, ralentissant, s'arrêtant, repartant au gré des inspirations d'un Richman véritablement possédé par ce qu'il chantait, pleurant ou riant en plein morceau. Le groupe savait toujours s'accrocher à la bonne vibration, au bon flux, celui qui berçait et faisait danser à la fois. Et une fois le mojo attrapé, il ne le lâchait plus, en témoigne une mémorable version d'«Ice-cream man» au cours de laquelle le groupe, satisfait de son grouve, joua le morceau quatre ou cinq fois de suite devant un public hystérique.


Autre pépite enregistrée sur scène, «In the morning of our lives» figure parmi les plus belles chansons d'une discographie déjà remarquable. Ses paroles optimistes personnifient parfaitement le personnage de Jonathan Richman qui, rappelons-le, est le plus sympathique de l'histoire du rock.


Heureux les simples d'esprit, le royaume des Cieux est à eux.

Jonathan Richman et les Modern lovers - In the morning of our lives

(acheter Roadrunner, roadrunner, the Beserkley collection sur Amazon)

samedi 25 octobre 2008

Electrelane


--Sussex Machine - Une chronique de Nikki Mod --

Electrelane, groupe majeur formé en 1998, était composé de quatre filles de Brighton présentant des pathologies névrotiques assez prononcées. Elles eurent longtemps la réputation de donner des concerts terrifiants, faits de guitares acérées, de Farfisa apocalyptique, de chants féminins douloureux.

Sans virtuosité individuelle aucune, ces quatre frigides du Sussex commirent quatre albums, comme autant d'hommages à l'ère glaciaire ; tous à peu près aussi parfaits les uns que les autres ; tous utilisables comme «original soundtrack» d'une version trop moderne et sous Prozac des Vacances de Monsieur Hulot ; ou comme bande originale d'une dépression nerveuse, d'une crise de la quarantaine, d'un documentaire sur l'alcoolisme solitaire dans les cités universitaires de Paris et de l'ex bloc de l'Est.

Elles se sont séparées à l'automne 2007. Mais leur âme comme leur esprit doivent demeurer. À l'heure où d'autres écoutent Coldplay, à l'heure où de sombres incultes pensent encore que les «Muse» font du rock, cette heure qui est aussi celle où l'ont met MGMT en générique de Téléfoot faute d'en avoir compris les paroles, voici quelques extraits salvateurs de ce groupe apocalyptique ... Prenez et écoutez, ceci est la parole de Dieu livrée pour ses élus.

«At sea» : par on ne sait quel sortilège, ce morceau évoque les jouissives images d'un tsunami s'abattant sur La Baule un week-end du 15 août.

Electrelane - At sea
(site / acheter No shouts no calls sur Amazon)


«I loved you in the morning, before the sun would come», voilà qui ressemble un peu à des paroles des Kinks, comme d'ailleurs «All the things that I've done go around in my head», sauf que c'est une femme qui chante, qu'elle ne s'apelle pas Davies, et que les deux tiers des mods encore vivants sont atteint d'un cancer incurable du colon. On ne pouvait guère faire mieux compte tenu de l'époque et du climat qui, contrairement à ce que certains prétendent, se refroidit.

Voici «Birds» et «After the call», respectivement issus des deux albums les plus accessibles du groupe, The power out et No shouts no calls, par lequel il faut peut être commencer.

Electrelane - Birds
(acheter The power out sur Amazon)
Electrelane - After the call
(acheter No shouts no calls sur Amazon)

Enfin, parce qu'au fond Electrelane est une musique de résistant, on ne peut passer à côté de cette reprise primitive du Partisan, de Leonard Cohen.

Electrelane - The partisan
(acheter Axes chez Gibert Joseph)


vendredi 17 octobre 2008

Missy Elliott



Lorsque j'étais collégien, donc bête et ignare, il était inconcevable que j'écoute de la musique noire ; et a fortiori du hip-hop. Que voulez-vous, ça me semblait être de la musique bassement commerciale, c'était la voix de Skyrock, la bande-son des cités, le cri de ralliement des abrutis qui m'entouraient ; du moins une partie.

Pensant lutter seul contre ce magma infâme, je me faisais alors fors de rejeter tout ce qui ne ressemblait pas à de la Britpop ou à Nirvana car, voyez-vous, ça au moins c'était de la rage à l'état pur, des guitares et des mélodies acérées, des groupes qui jouaient eux-mêmes sur leurs morceaux. Bref, ça correspondait mieux à mon univers de petit blanc.

Oui, certes, je n'étais pas bien malin. Mais, ce qui est malheureux, c'est que beaucoup continuent aujourd'hui à épouser ce raisonnement, à fermer leur esprit à une musique et une culture qui leur échappe. C'est à eux que je dédie ce message car, et je le crie à la face du monde, il y a plein de trucs fantastiques dans la production hip-hop. J'ose même affirmer que le rap c'est comme une carotte, c'est meilleur râpé (-Jeu de mot à supprimer ; absolulent indigne de ce blog-).

Ces longs palabres nous donnent l'occasion d'introduire Missy Elliott, quintessence du rap s'il en est. Car, autant l'avouer tout de go, avec la Demoiselle E on est bien loin des délicates Clothilde, Evie Sands, Bettye Swann ou autres Mallory Hays.

Le son de Miss E, c'est du rude, du rugueux, du vulgaire, de l'ultra-direct, du gangsta-rap machiste à l'envers. Et encore, Dieu merci, nous ne comprenons que la moitié des paroles. «Si ta meuf n'assure pas, appelle-moi, [...] je suis pas une prostituée mais je peux te donner ce que tu veux» ; cet extrait de «Work it» résume plutôt bien ce autour de quoi tourne l'œuvre de Miss Elliott.

Pour ceux qui auraient encore des doutes, notez que le second morceau ci-proposé s'appelle «I'm really hot». Il s'agit d'un remix produit par un duo appétissamment nommé Ratatat. Ces deux électroniciens new-yorkais ont eu la bonne idée d'ajouter une ligne de basse vrombissante couronnées de petites notes de Farfisa si douces et bien choisies qu'elles transfigurent un hymne mégalo-dansant en une ballade dramatique et, je l'avoue, presque émouvante.


Missy Elliott - Hot [remix Ratatat]
Missy Elliott - Work it
(site / acheter Under construction à la Fnac)

mardi 14 octobre 2008

Bilan d'activité

Note : cet article est publié pour la seconde fois, la première version ayant disparu, de façon inexplicable, un beau matin. Cette péripétie me donne l'occasion de souligner la nullité extrême de Blogspot et Blogger, serveurs que je continue à utiliser par commodité (puisque c'est avec eux que j'ai démarré Infrasons) mais qui m'arrachent les cheveux à chaque publication de message. Le pire est l'absence totale de services d'aide digne de ce nom. Mais bon, laissons de côté ces remarques techniques qui ne vous intéressent sûrement pas ; et place au rock.



Il y a tout juste un an, un nouveau blog nommé Infrasons publiait son premier article. Consacré à Evie Sands, il était illustré par une photo de la chanteuse qui, insouciante et joyeuse, filait à vélo vers on ne sait quelle aventure. C'est à peu près dans cet état d'esprit qu'Infrasons fut créé, la fleur au fusil, sans se poser de questions, avec pour seule arme un enthousiasme à déplacer les montagnes.

Et pourtant, après un an, 54 messages et 13 250 visites, le blog est toujours debout, solide comme le roc. Un an déjà ! Que de litres d'eau ont coulé sous nos ponts et nos éviers ...L'heure est maintenant au bilan et à l'analyse du profil-type de notre lectorat grâce à la liste des 15 morceaux les plus écoutés sur Infrasons :


Quelques remarques sur ce classement. Tout d'abord, les lecteurs d'Infrasons semblent avoir un petit faible pour la gent féminine puisque 5 des 6 premiers morceaux sont chantés par des filles. Détail amusant : Infrasons avait même annoncé que le «Suey» de Jayne Mansfield serait la chanson qui récolterait les meilleures audiences, expliquant qu'il suffisait de publier la photo d'une fille magnifique pour intéresser le lecteur.

Le public d'Infrasons est également plutôt francophile puisque un tiers des morceaux les plus écoutés sont chantés dans la langue de Gainsbourg. Ses goûts se partagent par ailleurs entre production contemporaine et son des 60s mais, là, rien de surprenant : les lecteurs ne font que suivre la ligne éditoriale du site.

Notons par ailleurs que deux messages ont suscité de vives réactions auprès du lectorat. Sans surprise, il s'agit des articles qui s'attachaient à décrire, analyser, voie critiquer le fonctionnement de l'industrie musicale avec, dans l'ordre, un article sur Nicolas Ungemuth, le meilleur journaliste rock français, et «À l'Ouest du Rhin», plaidoyer incitant les groupes hexagonaux à chanter en français et brûlot anti-Sébastien Tellier.

Je voudrais également profiter de ce message pour évoquer l'avenir d'Infrasons. Etant donné qu'il m'est de plus en plus difficile de publier régulièrement des chroniques, j'ai choisi d'engager le site dans la voie de l'externalisation. Le dernier article écrit par Nikki Mod préfigure en ce sens l'ouverture du blog à d'autres plumes.

Rassurez-vous, les collaborateurs seront triés sur le volet. Une batterie de tests, d'entretiens, de tortures physiques et psychiques permettront de les sélectionner et de les endurcir. L'esprit vif et le regard fier, ils formeront alors une armée de guerriers et de visionnaires prêts à se sacrifier pour la cause du rock'n'roll. Le grouve, le feuze et le mojo trouveront donc toujours refuge sur Infrasons.



Attachés aux traditions et aux rituels ancestraux, Infrasons se devait de célébrer son premier anniversaire en proposant, comme l'an passé, un morceau d'Evie Sands.


Evie Sands - Take me for a little while (1965)
(acheter Anyway that you want me sur Amazon)


J'espère sincèrement que, dans un an, Infrasons sera toujours là pour vous faire découvrir une nouvelle chanson de la belle Evie ; vraisemblablement «Angel of the morning». Croisons les doigts.


Sincèrement vôtre,
Infrason

dimanche 28 septembre 2008

Le Tour du Monde des Garages et des Ménestrels (5) : Yémen



Après le Japon, la Chine, l'Indonésie et l'Inde, le Tour du Monde des Garages (et des Ménestrels) s'était arrêté au portes de l'Europe, en Turquie. Profitant de cette halte pour rassembler les forces et les provisions nécessaires à un périple sur le Vieux Continent, Infrason avait alors confié à son correspondant spécial (Nikki Mod) le soin d'explorer les contrées brûlantes du Moyen-Orient et de l'Afrique.

Sans nouvelles de notre reporter depuis plusieurs moi, nous craignions le pire, d'autant qu'un caravanier affirmait avoir vu la carcasse de son dromadaire perdue dans le désert. C'est donc avec un réel soulagement que nous avons reçu hier un parchemin usé, signé par Nikki Mod depuis Sana'a, la capitale du Yémen. Je vous en livre le contenu :

Mohammad Al-Harithi

Allah a inventé le rock n'roll
La légende voudrait que, quelque part entre le sixième et le neuvième siècle de notre ère, un bédouin mit au point au fin fond du désert d'Arabie un curieux instrument à douze cordes pour déplorer la mort de son fils et chanter au ciel son désarroi.

L'objet prit le nom de ûd, et devint bientôt très répandu dans l'ensemble du monde arabe. Il s'agit de ne pas s'y tromper : instrument d'accompagnement ou de solistes souvent virtuoses, le ûd, par le son produit, est la Telecaster du Moyen Orient. Ce qui est susceptible de sortir de cette chose est potentiellement aussi primitif qu'un solo des Cramps, aussi sauvage qu'un gimmick d'AC/DC, aussi beau et sensuel qu'une balade dylanienne chantée sur un chameau.

Les thèmes clamés sont le plus souvent religieux, mais il faut croire que le Dieu de là bas a quelque chose de spécial, entre un iguane au soleil et un cobra des mille et une nuits. Un jour prochain, quelqu'un dans le désert aura l'idée de brancher son ûd sur un gros ampli Vox à lampes, et ce sera le début de l'apocalypse.

En attendant, il s'agit de prêcher la bonne parole, et de se soumettre à la mélopée du yéménite Mohammad Al Hariti, l'un des joueurs de ûd contemporains les plus connus ; pour ne pas dire un «ûd hero». Dans un album édité sous le titre L'heure de Salomon, le fou ose un «Par Dieu, que ce lieu contient de belles !», qui ne lui a pas même valu une Fatwa....

Mohammad Al-Harithi - Li-Llah Mâ Yahwî Hadha-I-Maqâm'
Mohammad Al-Harithi - Rahmân Ya Rahmân
(acheter L'heure de Salomon à la Fnac)


Faisal Alawi

S'il était né à Perigeux aujourdhui, Faisal Alawi aurait peut être joué du métal. Heureusement issu ses contrées plus ensoleillées du Yémen, ce barde là a adopté le ûd, et se donne en spectacle au milieu d'un public dont on entend les hurlements tous féminins. Ça chauffe dans les burqas. Peut être le live le plus féroce entendu depuis longtemps, dont le titre des morceaux est cependant tombé dans l'oubli.


samedi 13 septembre 2008

Le Tour du Monde des Garages (4) : Turquie


Après le Japon, la Chine, l'Indonésie et l'Inde, le Tour du Monde des Garages poursuit sa marche vers l'ouest pour s'attaquer à la Turquie ou, plus précisément, à sa scène psychédélique du début des années 1970.

Petit aparté tout d'abord pour replacer les choses dans leur contexte : au début des années 1970, le rock anglo-saxon piétinait, suivant en cela et de façon quasi-symétrique l'état de santé des Beatles. Ainsi, lorsque les quatre garçons de Liverpool commençaient à ne plus s'entendre en 1968, c'est l'ensemble de la production musicale qui semblait prendre l'eau ... pour sombrer littéralement à la séparation du groupe en 1970.

L'escadron britannique (Stones, Who, Kinks et consors) qui avait conquis et enchanté le monde décida brusquement d'allonger cheveux et chansons pour servir un rock lourdingue et inintéressant ; tandis que, de l'autre côté de l'Atlantique, les quelques noyaux de résistance (Stooges, Modern lovers) ne pouvaient suffire à sauver la situation.

C'est pourtant à ce moment que le rock ottoman ouvrit ses ailes, s'engouffrant dans la vague psychédélique que les Anglo-Saxons avaient abandonné depuis 3-4 années. Il fallait donc vivre en Turquie à cette époque si l'on était amateur de garage enragé, parsemé de fuzz et de giclées psychédéliques. Petit tour d'horizon de cette scène

Bunalimlar


Bunalimlar («les Crises») semblent avoir traumatisé tous ceux qui eurent l'occasion de les voir ou les entendre. Chevelus excités, ils couraient nus dans les rues de la bonne Turquie en criant «LSD ! LSD !» à tue-tête ; ce qui, vous l'avouerez, n'est pas très intelligent. Musicalement, ce groupe était d'une sauvagerie sans nom, comparable seulement aux Stooges ou au MC5. «Yeter Artik kadin» («Femme aux yeux d'Arctique») et «Tas var köpek yok» («Il n'y a pas d'écuelle pour le chien») devraient vous en convaincre.

Bunalimlar - Yeter Artik kadin


Cem Karaca & Apaşlar


Cem Karaca et son groupe («les Apaches») sont à peine plus modérés que Bunalimlar. Chanteur assez populaire, Cem dut s'exiler en Allemagne à la fin des années 1970 car le gouvernement le tenait pour un dangereux marxiste ; sans doute à cause de sa barbe. Aux dernières nouvelles, il serait mort depuis quatre ans.



Beybonlar

Le psyché instrumental de Beybonlar sonne plus oriental que les morceaux de Bunalimlar ou Cem Karaca ; voilà exactement le genre de sonorités auxquelles on est en droit d'attendre du «rock turc». Ce qui est assez étonnant en revanche, c'est que les membres du groupe avaient entre 11 et 18 ans (11 pour le batteur) ; les Hanson turcs en quelque sorte.



Gönül Yazar


Une curiosité pour finir avec une reprise du «Mon amour, mon ami» (de notre Marie Laforêt nationale) chantée par la dénommée Gönül Yazar. Outre le fait d'avoir été une sorte de Sylvie Vartan locale, cette (fausse) blonde a, semble-t-il, mené une longue et remarquée carrière d'actrice. Ça s'appelle «Çapkin kiz» («Tombeur de filles» si je m'en réfère à mes non-connaissances de la langue ottomane) et c'est plutôt chouette.

Gönül Yazar - Çapkin kiz

PS : Je n'ai pas mis de liens d'achat cette fois car je ne saurais vous dire où trouver ces disques. Vous pouvez toujours remuer ciel et mer pour dénicher la compilation Turkish delights, beat, psych and garage. De plus amples informations figurent sur le site Both kinds of music dont sont extraits plusieurs des liens musicaux figurant ci-dessus.

PS (2) : je plains mes confrères blogueurs turcs qui doivent placer des cédilles et des trémas sur la moitié de leurs lettres. Bravo les gars !

vendredi 29 août 2008

Les Vieilles Charrues 2008

Adepte du journalisme total, Infrasons a décidé de s'immerger dans l'univers des festivals d'été, ces grandes messes rock qui se multiplient chaque fois que le soleil vient réchauffer nos contrées.
Le meilleur blog de France ne pouvant se rendre décemment que dans le plus grand festival hexagonal, le choix s'est porté sur les Vieilles Charrues, à Carhaix.
Qu'en retenir ? Simplement que, sur scène, tout tient à la gestuelle, au charisme et aux fringues. Les comptes-rendus qui vont suivre vous en convaincront certainement.

Mötörhead


On ne le dira jamais assez : la scène c'est l'école de la seconde chance , celle qui rebat les cartes et supprime tous les bonus/malus accumulés lors des enregistrements studio.
La prestation offerte par Mötörhead illustre parfaitement cette affirmation. Groupe indigeste sur album, il ne dévoile son intérêt que de visu.
Tout tient aux gueules, aux fringues, aux poses et à cette esthétique hardeuse 70s tellement cliché qu'elle en devient jouissive. En vrac : la dégaine de capitaine de cavalerie de Lemmy qui termine son concert en fusillant le public de sa basse, le foulard et la trogne de forban de son guitariste et puis, derrière, aux fûts, la tignasse blonde d'un batteur qui semble échappé d'un concert de Led Zeppelin ou de Spinal Tap.

Mötörhead n'est pas un bon groupe de musique ; c'est un vaillant escadron de cavalerie : méchant, sale, brutal et impitoyable. Voilà pourquoi ils méritent d'être vus.

Les Babyshambles


Lorsque Mötörhead quitte le champ de bataille, il laisse place à Ben Harper. Celui-ci prend alors l'exact contre-pied de ses prédécesseurs, peut-être afin de maintenir le grand équilibre du cosmos. Toujours est-il que le gentil Ben qui fait toujours des albums sympas à écouter chez soi ou avec des amis nous assène ici une prestation d'un ennui mortel. Assis sur sa chaise, la guitare sur les genoux, il tricote et retricote des solos d'une demi-heure. Ronfle, ronfle. Entre deux bâillements, je m'apperçois avec étonnement qu'une partie de la gent féminine est en transe. Voilà qui me dépasse.

Bref, c'est sans regret que l'on voit partir le bonhomme ; surtout que le gros morceau arrive : les Babyshambles. Tout l'entracte durant, le public se prend à imiter les derniers kilomètres d'une arrivée du Tour de France, lorsque les coureurs se placent en vue du sprint massif. Chacun essaie de se frayer un chemin dans un peloton de 50 000 personnes afin de gagner les avant-postes. À ce jeu, chacun à sa technique : jouer la prudence pour éviter les chutes ou bien prendre le sillage des costauds pour venir en découdre dans les derniers mètres.

C'est donc une meute compacte de pogoteurs primitifs et d'adolescentes qui se presse contre les barrières. Une fille simule des évanouissements afin qu'on la laisse progresser jusqu'au premier rang. Malheureusement, le public est trop serré pour que quiconque puisse la baffer.
Le lieu pullule d'une espèce animale que je croyais éteinte depuis 40 ans : celle des adolescentes hystériques qui hurlent et s'évanouissent sur toutes les vidéos des Beatles. Bah, après tout, mieux vaut se tirer les cheveux pour Doherty que pour 2B3.

Enfin, ça y est, ils arrivent ! A la surprise générale puisque tout le monde imaginait une annulation du concert ou, du moins, un retard de 5 ou 6 heures. On apprendra le lendemain que les organisateurs ont mené une opération commando dans le TGV pour faire descendre le groupe avant Guingamp, ville dans laquelle rôdent les douaniers...

Peau livide, costume cintré et chapeau noirs, l'apparition de Pete Doherty glace le sang ; sosie du héros des «Noces funèbres», il fait l'effet d'un fantôme.
Les premiers instants font craindre le pire, Doherty semble à peine tenir sur ses pieds, manque de tomber et peine à aligner deux paroles. Mince alors, pense-t-on, ce concert sent l'arnaque. A moins que l'on ait la chance d'assister à la mort de Pete sur scène...

Rapidement, cependant, les choses s'améliorent. L'attitude chaotique de Doherty devient fascinante. Tout dans sa manière de faire est déstructuré, surprenant ; le bonhomme s'assoit au milieu d'un morceau, comme ça, sans crier gare, puis se relève d'un coup, va embêter le caméraman en débranchant le cordon de son appareil, le tout avec une nonchalance proprement admirable.

S'il se contente essentiellement du chant, Doherty saisit de temps à autres sa magnifique Rickenbacker noire pour des mini-solos catastrophiques ; on dirait ce que je fais lorsque je m'efforce de jouer de la guitare ! Et pourtant, ce style approximatif ne semble pas le gêner ou l'inquiéter le moins du monde, comme s'il faisait partie du spectacle. Cette succession de mouvements et de sons désordonnés semble même s'insérer dans une rythmique étrange et étonnamment classe. Car, oui, sous ses airs chaotiques, ce pantin désarticulé se meut et agit presque en rythme, avec une souplesse renforcée par le millimétrage de son costume.

Alors, moi qui n'avait jamais vu Doherty et qui le prenait pour un abruti, je compris en le voyant : ce personnage est racé ; un surprenant sentiment de liberté émane de chacune de ses mimiques.
Et si beaucoup s'étaient étonnés que Doherty ait pu dépasser les 27 ans, âge auquel meurent généralement les icônes du rock, je compris une autre chose ce soir-là : Doherty est déjà mort. C'est un fantôme, un spectre facétieux qui vient encore s'amuser à jouer au rock.

Le lendemain, bien sûr, les canards de Pléhéven-sur-Scorff et Lanncoët s'accorderont à évoquer une prestation décevante, chaotique, fatiguée. Et bien non : ceux qui étaient au premier et qui sont encore dotés d'une once de goût témoigneront qu'il s'agissait d'un grand moment de rock'n'roll. Point. Et ce ne sont pas les journalistes avachis devant l'écran géant de l'espace presse qui leur feront changer d'avis.

Babyshambles - La belle et la bête
(site / acheter Down in Albion à la Fnac)


Brisa Roché


Retour au festival deux jours plus tard. Pendant que le sympathique Etienne Daho expose son absence de voix devant le gros du public, la petite scène est occupée par l'Américano-Française Brisa Roché. La performance vaut largement le coup d'oeil, à la limite entre la chanson et la pantomime. Toute en noir, cheveux corbeaux et la taille serrée par une étrange chaîne qui ressemble à une ceinture de chasteté, Brisa trace d'amples gestes à chacun de ses mots. Si elle chante le mot arbre, elle vous dessine un arbre avec les mains. C'est très curieux mais assez convaincant ; car la chose tient musicalement la route, et peut-être aussi parce que les gens fous et passionnés sont toujours sympathiques.


Brisa Roché - Heavy dreaming
(Myspace / acheter Takes chez Gibert-Joseph)


Les Go ! Team


Petit détour en conférence de presse, je trempe mes lèvres dans la bouteille de jus de choucroute offerte aux journalistes par la rigolote Camille, puis je me rends en me frottant les mains au concert des Go ! Team. Car voilà un concert qui promet bien du funk.

La jolie chanteuse noire du groupe arrive avec sa jupe trop courte. C'est une véritable pile électrique ; peut-être une ancienne go-go-danseuse ou une prof de gym tonique, je ne n'en sais rien, mais elle nous offre une chorégraphie des plus dynamiques.

Le bémol, c'est le réglage du son : le chant n'est pas suffisamment mis en avant. Ça, de toute façon, c'est le mal récurrent de 73% des concerts de rock. C'est même étonnant si l'on pense au temps que mettent à chaque fois les roadies pour régler le son ... Enfin bon, si ça permet de créer des emplois...

Cela mis à part, la musique des Go ! Team est fantastiquement entraînante. Avec 2 batteries derrière et des samples, c'est une sorte de funk syncopé et rehaussé par les choeurs de deux Asiatiques. À certains moments, tous les membres du groupe bondissent ensemble à la manière d'un Pete Townsend sous amphétamine.
Je me répète certainement mais : mouvement, action, gestuelle, il n'y a que cela de vrai !

Go ! Team - Ladyflash
(site / acheter Thunder, lightning, strike sur Amazon)


Les Gossip


Il fallait le mériter ce concert en dernière partie de nuit. Il fallait supporter des remix de DJ en bois puis avaler le concert Matmatah qui, mauvaise idée, a décidé de se mettre au rock progressif (rassurez-vous : c'était leur concert d'adieu). Avant ça, les organisateurs avaient eu la mauvaise idée d'inclure un spectacle de Gad Elmaleh. Je dis mauvaise idée car, contrairement à un spectacle en salle, le public ne rit pas aux Vieilles Charrues ; il se contente de sourire. Or, voir Gad se démener devant un public silencieux produit une sorte de malaise, assez dérangeant en fait.

Il fallait donc le mériter ce concert des Gossip mais, vache de chez vache, qu'est-ce que ça valait le coup !
Les Gossip, pour ceux qui ne connaissent pas encore, c'est une chanteuse qui, outre le fait de peser deux quintaux, possède la voix d'Aretha Franklin et la pêche d'Iggy Pop. C'est absolument dément, surtout que les morceaux sont efficaces et assurés par une section rythmique sobre, classe et grouve. Le public, lui, est hystérique, complètement, comme rarement j'ai pu en voir.

Beth Ditto, puisque tel est le nom de la chanteuse, hurle, se roule par terre, agite ses bourrelets dans tous les sens, à tel point qu'on se demande s'il lui restera plus de 50 kilos l'année prochaine.
Cette fille est assurément l'un des personnages les plus charismatiques de la scène musicale actuelle. Et pour ceux qui riraient de la voir intégrée dans le classement des personnalités les plus sexy du rock établi par le NME : allez donc la voir en concert !


Gossip - Standing in the way of control
(site / acheter Standing in the way of control sur Amazon)
(Voir le début du concert sur le site des Vieilles Charrues)


Mouvements et accoutrements, voilà ce qu'il faudra retenir des Vieilles Charrues 2008.

Photos : F. Villemin

samedi 2 août 2008

Vivent les vacances !

Ces derniers temps, les plus assidus auront certainement remarqué un léger ralentissement de l'activité sur Infrasons. Qu'ils en profitent pour prendre l'air, bronzer, courir dans les champs ou voyager en Patagonie car, je vous l'annonce, c'est une véritable déferlante qui s'annonce pour bientôt avec, pêle-mêle, un compte-rendu des Vieilles Charrues, une sélection de grouves extra-fins, la reprise du Tour du Monde des Garages via un envoyé spécial exclusif Afrique / Moyen-Orient. Et puis plein d'autres choses encore.

En attendant, je n'oserais vous laisser partir en vacances sans quelques feunqueries bien choisies ...

Clues - No vacancies
(acheter 100% British Mod sur Amazon)
Orange juice - Holiday hymn
(acheter The Glasgow school sur Amazon)
Pandoras - (I could write a book) about my baby
(acheter Girls with guitars sur Amazon)
Pillbugs - Sh-boom
Jazz Gillum - Gillum's windy blues

lundi 14 juillet 2008

Les Television Personalities (et leurs satellites)

Lors d'un article sur la série Le Prisonnier, j'avais promis de vous parler un jour des Television Personalities, l'un des groupes les plus intéressants du tournant 1970-80. Chose promise, chose due.

Éternels perdants, méprisés par les journalistes, les Television Personalities ont pourtant réussi un sacré tour de force : rendre poignantes et intelligentes des chansons enregistrées, on le sent, avec trois bouts de ficelles.

Influencés à la fois par la pop psychédélique des premiers Pink Floyd, le folk allumé de Syd Barrett et le son mod des Creation ou des Who, les Television Personalities possédaient une dernière corde dans leur arc sixtise : le talent de parolier de Dan Treacy, anglais jusqu'au bout des ongles et digne héritier des
Kinks.

En effet, et on pourra s'en rendre compte au fur et à mesure de cet article, les morceaux écrits par ce groupe tracent une sorte de symétrie avec les chansons jouées 10 années auparavant par Ray Davies. On y retrouve cette observation amusée des moeurs contemporaines, mais également cette frustration sociale, teintée d'un je-ne-sais-quoi de nostalgie.

Pour le reste, le son des Television Personalities pourrait se définir comme du psychédélisme de cuisine, c'est-à-dire une pop influencée par la glorieuse production 60s mais avec une patine légèrement étouffée qui semble rappeler le manque de moyens du groupe ; un style non dénié de charme malgré tout.



Petit retour en arrière sur les débuts des Television Personalities ainsi que sur les autres formations dans lesquelles les membres du groupe gravitaient :

1977 : c'est la déferlante punk. Enthousiasmés, deux élèves du lycée catholique de Fulham décident de monter un groupe. Ils ne savent pas jouer ? Qu'à cela ne tienne, ils apprendront sur le tas. Ils se nomment Dan Treacy et Ed Ball, s'ennuient ferme dans leur cité HLM de King's road et comptent bien en faire le sujet de leur premier enregistrement, «14th floor» :
«Je surplombe Londres mais je n'y vois pas grand chose, parce que j'habite tellement haut que tout me paraît minuscule. Je suis énervé car l'ascenseur est encore en panne et, chaque fois que je rentre du boulot, j'ai 14 étages à me taper [...] Le 14e étage : c'est juste un numéro de HLM. Le 14e étage : il n'y a rien à faire ici. Le 14e étage : ça fait 7 ans que j'y vis là mais j'y connais toujours personne. Je crois bien que le mec à côté est Jamaïcain».

Ces paroles ressemblent étonnamment à celles qui fleuriront, 20 ans plus tard et presque systématiquement, dans le hip-hop français. A la différence près qu'elles sont chantées ici avec un détachement amusé et tout britannique, presque d'une façon enjouée et enfantine. Et puisque je vous disais que les chansons du groupe étaient des réponses aux morceaux des Kinks, j'affirme que celle-ci est le «Dead-end street» des Television personalities.

Le disque, ou la démo ai-je envie de dire au vu de sa qualité, est envoyé à John Peel, l'inoubliable animateur de la BBC Radio 1. Convaincu, celui-ci diffuse le morceau et lit l'appel du groupe, priant un producteur de bien vouloir les enregistrer avec un son plus correct.

«14th floor» fut repris un an plus tard par leurs amis des Swell Maps dans une version mémorable si l'on considère qu'il s'agit de la seule chanson au monde comportant un solo joué avec une langue de belle mère (ce sont les pseudo-instruments que l'on trouve dans les paquets de cotillons et qui font «Trwoooooouïnt» quand on souffle dedans).

Swell maps - 14th floor


Leur carrière lancée, les Television Personalities se firent maintenant la spécialité des chansons à l'humour sarcastique, symbolisées par «Part-time punks» (1978) («Ils écoutent leur disque très fort et pogotent devant le miroir de leur chambre ; mais seulement quand leur maman n'est pas là [...] Les voilà : ce sont les punks à temps partiel !»). Impossible cette fois de ne pas songer au «Dedicated follower of fashion» des Kinks : cette descente en règle des poseurs et des suivistes de tous poils.

1981, après une flopée de singles, un premier album sortit enfin : And don't the kids just love it. Le disque était une merveille, une succession de chansons accrocheuses, gorgées d'humour et de narration kinksienne.

On y trouvait ainsi «Geoffrey Ingram» (réponse au «David Watts» des Kinks), portrait d'un gosse-beau à qui tout réussit, «un gars qui arrive toujours chez lui au moment même où il commence à pleuvoir» :
«Moi et Geoffrey somment allés à un concert des Jam ; malheureusement, on est arrivé trop tard : la salle du Marquee était pleine alors qu'il n'était que huit heures cinq. Mais, et ne me demandez pas comment il s'y est pris, Geoffrey a réussi à nous faire admettre sur la liste des invités. Geoffrey est le genre de gars qui est bien au-dessus de tous ces petits tracas».

L'album comprenait également un morceau dont le seul titre est à l'origine d'un culte : «I know where Syd Barrett lives», hommage émouvant et sincère au premier chanteur du Pink Floyd, le génie devenu simplet à cause du LSD. Ce titre vaudra au groupe d'être invité par Pink Floyd pour une de leur première partie. Mais comme les Television Personalities étaient décidément des gens intenables, ils ne trouvèrent rien à faire de plus malin que de divulguer la véritable adresse de Syd Barrett à toute l'assistance. Inutile de préciser qu'il n'y eut pas de seconde date avec Pink Floyd.

Parallèlement à ces traits d'humour et à cette affection pour les références musicales ou cinématographiques («La grande illusion», «A picture of Dorian Gray»), l'album laissait toutefois paraître un profond désespoir.
Cette tendance à la noirceur, qui allait s'affirmer de plus en plus dans la discographie du groupe, transparaissait surtout dans un morceau fulgurant, un chef-d'oeuvre surgit de nulle part, une historiette bouleversante lacérée à la guitare : «World of Pauline Lewis».
Cette chanson, c'est l'histoire d'une adolescente miséreuse qui se réfugie dans son univers à elle, un monde dans lequel elle est mannequin, chaussée d'élégants petits souliers Ravel et délicatement poudrée de maquillage Mary Quant ; jusqu'à ce qu'elle finisse par se donner la mort, seule dans son lit, «car il n'était plus possible de faire semblant». Pour cette fois, il n'y a pas d'équivalent dans la discographie des Kinks ; rien d'aussi triste chez eux ; ni chez qui que ce soit dans le rock'n'roll.

Television Personalities - World of Pauline Lewis
(acheter And don't the kids just love it sur Amazon)

Parallèlement aux Television Personalities, le bassiste Ed Ball s'illustrait dans d'autres projets musicaux : O Level, Teenage Filmstars, les Times, dans lequel officiait également épisodiquement Dan Treacy.
Les compères produisirent ainsi un certain nombre de disques résolument inspirés par le Pop Art et la culture des années 1960 ; pour preuve, cet hymne à la série télévisée Le Prisonnier : «I helped Patrick McGoohan to escape», merveille déjà publiée sur Infrasons.

Teenage filmstars - I helped Patrick McGoohan to escape
(Mod Pop Punk archives)


Autre obsession pour Ed Ball : les Creation, groupe formidable des années 1960 dont, promis, je vous reparlerai un jour ; des gars qui affirmaient : «Notre musique est rouge, avec des éclairs violets»

Times - Red with purple flashes
(Mod Pop Punk archives / acheter Go ! With the Times sur Amazon)


Voilà, c'était ma façon à moi de rendre hommage à un groupe dont le talent n'a pas suffi à en faire des personnalités de la télévision.

lundi 7 juillet 2008

Nicole Atkins


Une fois n'est pas coutume, ma chronique du jour ne sera pas du type : «CECI est le meilleur groupe du monde et si vous n'aimez pas c'est que vous ne méritez pas d'exister». Non, pour cette fois, je vous laisse vous forger votre propre opinion ; alors profitez-en.
L'objet du billet, donc, est une chanteuse nommée Nicole Atkins. Une chanteuse au style inimitable, qu'elle qualifie elle-même de «Pop Noir», preuve s'il en est que les Américains ne maîtrisent pas encore l'accord de l'adjectif épithète.

La Pop Noir, si l'on s'en réfère à ce que produit l'amie Nicole, c'est quelque chose de passionné jusqu'à la démesure, c'est des poumons qui explosent sous la pression des cordes vocales (ou peut-être le contraire ; je ne suis pas très anatomiste), c'est des symphonies dans tous les sens, des choeurs qui reprennent des refrains surdimensionnés, des crescendos d'instruments, des arrêts brusques pour repartir de plus bel en vous laissant le souffle coupé ; c'est plein d'autres choses encore que je ne saurais décrire.
C'est théâtral, fou, désepéré, dramatique, épique, c'est des chansons d'amour qui finissent comme des hymnes guerriers. Parfois, inévitablement, c'est insupportable. Mais sur certains morceaux, c'est simplement à la limite du génial. Bref, la Pop Noir c'est du souffle, toujours du soufle...

Nicole Atkins - Carousselle
Nicole Atkins - Bleeding diamonds
Nicole Atkins - The way it is
(site / Myspace / acheter Neptune city à la Fnac)

dimanche 29 juin 2008

La minute yéyé (6) : Clothilde

La toute première «Minute yéyé» publiée sur Infrasons avait décerné à Dani le titre de «championne du monde des yéyés» à égalité avec Clothilde. Beaucoup parmi vous ont dû se demander qui était cette concurrente car, il faut bien le dire, c'est une fille un peu oubliée.

Avant de vous conter l'histoire de cette Clothilde, je me permets de remarquer que, dans les années 1960, une loi interdisait certainement aux chanteuses françaises d'avoir l'usage d'un nom de famille (il suffit de regarder les chanteuses yéyé publiée sur ce blog: Dani, Violaine, Clothilde, Cléo). Quelques dérogations étaient, semble-t-il, accordées aux chanteuses les plus connues (Hardy, Vartan ou Gall) mais j'imagine que ce privilège ne s'obtenait qu'après avoir vendu des milliers de disques.

Après cette remarque (ni constructive, ni intelligente, je vous l'accorde), je peux maintenant m'attaquer au vif du sujet : Clothilde. La donzelle, donc, visiblement plus intéressée par la peinture que par la musique, enregistra avant ses 20 ans deux disques de sept pouces sous la houlette du producteur Germinal Tenas. Malgré quelques entrées dans les classements des meilleures ventes, sa carrière prit fin dès 1967 ; et c'est fort malheureux qu'elle dut être si courte.

Dans les disques de Clothilde, tout est formidable : voix, paroles, mélodies ou arrangements, tout concourt à créer un style sans équivalents, même chez les Anglo-saxons ; quelque chose que nous pourrions qualifier de "Pop psyché-baroque et cruelle" s'il fallait lui donner un nom.

Les paroles (signées Jean-Yves Gaillac) étaient certainement les seules à pouvoir rivaliser avec Gainsbourg ou le duo Lanzmann/Gainsbourg. Agréables à l'écoute, elles se caractérisent surtout par un humour noir et une cruauté qui, associés au timbre angélique et délicat de Clothilde, donnaient à chacune des chansons cette patine de délicieuse perversion.
L'instrumentation (orchestrée par Germinal Tenas) riche et sophistiquée ajoutait, pour sa part, une touche baroque et psychédélique absolument unique.

J'aime la France quand elle produit des choses comme ça.

Clothilde - Je t'ai voulu et je t'ai bien eu
Clothilde - 102 ,103
(acheter Sixties girls, vol.4 sur Amazon)

jeudi 19 juin 2008

Les Coral

Depuis que les Libertines sont séparés, depuis que les White stripes ont perdu leur fraîcheur et leur spontanéité, depuis qu'Aislers set ne sort plus d'album, le titre de meilleur groupe du monde a échu dans les bras d'une seule formation : les Coral.

J'entends déjà les plus jeunes d'entre vous, l'esprit plein de rêves et de projets, me demander s'il est difficile de devenir le meilleur groupe du monde. Et bien non : il suffit de suivre la recette employée par nos amis les Coral.

Prenez tout d'abord un bout de papier et inscrivez-y des doubles-croches, des silences, quelques dièses ou blanches aussi par-ci par-là, jusqu'à obtenir une mélodie tellement belle qu'elle semblera évidente, mais tellement raffinée et délicate qu'on la pensera venue de la Lune.

Ensuite, pétrissez une rythmique simple et accrocheuse, parsemée d'arpèges ahurissants et de xylophones cristallins. Mais, et c'est là le moment le plus délicat de la recette, encore faut-il lier ces ingrédients, leur donner du corps. Pour cela, il existe un petit secret : quelques cuillérées d'intonations rudes mais mélancoliques, un timbre qui rappelle les briques rouges de Liverpool, les brumes de la Mersey mais aussi, et surtout, les Quatre Fabuleux, ceux qui chantaient les revolvers et les sergents au poivre. C'est cela le petit secret.

Une fois la chanson terminée, on en écrit douze autres, plus magnifiques encore ; l'opération devant être répétée une fois l'an.
Dernière chose, vous aiguiserez les appétits en plaçant chacune de ces friandises dans de jolies petites pochettes. Et le tour est joué !

Je vous le disais, ce n'est pas si compliqué d'être le meilleur groupe du monde. Fastoche ? Alors à vous de jouer !


Coral - Cobwebs
(acheter Roots and echoes à la Fnac)
Coral - Pass it on
(acheter Magic and medicine à la Fnac)
Coral - Dreaming of you
(acheter The Coral à la Fnac)
(site / Myspace)
Coral - Cobwebs

mercredi 11 juin 2008

Dring toy


Si vous aviez été étudiants il y a deux années dans la bonne ville de Rennes, le Centre Régional Information Jeunesse aurait pu vous remettre un «Sac à trucs». Je n'invente rien, cela s'appelait réellement comme ça, et c'était d'ailleurs un nom très judicieux puisqu'il désignait précisément un sac rempli de brics, de bracs et de choses aussi variées que différemment utiles.

Or, cet appétissant «Sac à trucs» contenait, entre autres, un petit disque intitulé Plus de volume, compilation d'artistes rennais. De prime abord, la programmation pouvait sembler un peu énervante avec, c'était palpable, la volonté des compilateurs de satisfaire tout le monde en y faisant figurer absolument tous les styles, sans aucun oubli : chanson française à l'accordéon, trip-hop, hip-hop, métalo-rock, pseudo-garage, reggae, ...

Tout cela me fait penser à ces Grecs ou ces Romains qui, dans l'Antiquité, étaient tenus de vénérer toute une myriade de divinités. Et si par malheur ils oubliaient un jour d'offrir un sacrifice à la déesse des orties ou de célébrer la fête du saint-protecteur des hannetons, les dieux entraient dans une colère folle et détruisaient leur ville ou maudissaient leur famille pour 12 générations.
Les gens du Centre Régional Information Jeunesse devaient également être de grands superstitieux, pensant que le dieu du rock guinguette ou l'esprit malin de l'électro-jazz allaient les punir s'ils n'intégraient pas leur style dans la compilation.

Enfin bon, je critique, je critique mais, au fond, il faudrait surtout rendre hommage à cette excellente initiative qui permet de découvrir quelques petites perles ; et notamment le morceau «Suspens» de Dring toy. Je ne vous surprendrai certainement pas en précisant que Dring toy est un groupe rennais ; peut-être un peu plus en ajoutant que leur musique me fait songer à un mélange de trip-hop, d'électro et de reggae. Enfin c'est extrêmement chouette, et ça m'a donné envie d'aller sur leur site écouter d'autres chansons.

Une chose est sûre en tout cas : il ne faut jamais mépriser les «Sac à trucs».

Dring toy - Suspens
Dring toy - Évasion barbare
Dring toy - Modulation
(site / Myspace / acheter Incoming contact chez Foutadawa)
Dring toy - Suspens

mardi 3 juin 2008

Jayne Mansfield (et Jimi Hendrix)

Tous les mardis matin, le comité de direction Stratégie & Expansion du groupe Infrasons se réunit afin de déterminer la ligne éditoriale du blog pour la semaine à venir.

L'événement est toujours l'occasion de décortiquer les dernières tendances musicales, mais aussi d'observer les pratiques commerciales de la concurrence : quelle est par exemple la stratégie marketing de Sous les pavés la plage ou de Requiem pour un twister ? Quelles innovations graphiques sont en train d'être élaborées par People don't dance no more ou la Blogothèque ?

Jeunes consultants aux dents longues ou vieux cadres ventripotents, tous ne partagent qu'un objectif : conquérir de nouvelles parts de marché est faire d'Infrasons l'acteur de référence du secteur.

Or, ce matin, alors que la réunion du comité semblait s'éterniser en discussions houleuses et en désaccords sur la ligne directrice, le sous-directeur chargé de la Prospective proposa une idée qui ne tarda pas à faire consensus : «Aujourd'hui, expliqua-t-il, il n'y a pas de secret : si nous voulons attirer le chaland, il nous faut l'aguicher avec la photo d'une fille magnifique.»
Si tous les membres du comité semblaient partager cette idée, le débat s'engagea toutefois de plus belle ; chacun proposant une actrice ou une starlette susceptible d'officier comme vitrine : Marilyn Monroe ? Trop névrosée. Janis Joplin ? Trop laide. Britney Spears ? Trop chauve. Mimi Mathy ? Trop petite. Diam's? Vous êtes sûrs que c'est une fille ? Yoko Ono ? Et puis quoi encore.

Bref, il arriva un moment où, le ventre gargouillant, chacun commença à se persuader que cette réunion n'allait jamais prendre fin ; alors que les estomacs, eux, commençaient à vraiment prendre faim.
C'est le moment que choisit le chargé de projet Développement International (un jeune homme branché vivant la moitié de la semaine à New-York et parlant sept langues, voire neuf lorsqu' il était soûl) pour complexifier encore le débat : «Ce qu'il nous faudrait, argumenta-t-il, pour adapter notre produit aux attentes du consommateur, c'est associer plusieurs concepts à la fois ; par exemple, l'image de la grâce féminine avec l'électricité et la sauvagerie d'une panthère».

À peine eût-il prononcé ces paroles que le doyen du comité bondit sur ses pattes, en proie à la plus folle excitation : «Mais je sais ! Mais bien sûr! Il n'y a pas à hésiter : notre prochain article parlera de Jayne Mansfield, accompagnée à la guitare en 1965 par un tout jeune guitariste de studio nommé Jimi Hendrix.»

Le doyen avait tranché. La séance pouvait être levée.

Jayne Mansfield (et Jimi Hendrix) - Suey
(acheter I wanna be loved by you à la Fnac)