vendredi 31 octobre 2008

Jonathan Richman et les Modern Lovers


Avant de parler de «Jonathan Richman et des Modern Lovers», précisons que cette appellation ne désigne pas un groupe en particulier mais une succession de formations qui ont accompagné Jonathan Richman (à droite sur la photo) tout au long des années 1970. Qui est ce brave homme, essentiellement connu pour son rôle de ménestrel dans le film Mary à tout prix ? Simplement le personnage le plus sympathique et le plus attachant de l'histoire du rock. L'un des plus atypiques et des plus talentueux également.

Pourtant, Richman est l'antithèse parfaite du personnage rock, au sens «sexe, drogue et rock'n'roll» du terme. Jonathan Richman était, et est certainement toujours, un mec sain, souriant et éminemment gentil ; l'un des rares rockers que l'on souhaiterait avoir pour ami ou pour frère. Car il faut bien l'avouer, dans la vraie vie, je ne voudrais à aucun prix avoir Iggy Pop ou Johnny Rotten parmi mes proches !


Juif de la Côte Est (Boston), le jeune Jonathan se rendit à la fin des années 1960 à une performance du Velevet Underground, alors de passage à Boston, et en fut si retourné qu'il partit les suivre à New-York, conduisant leur bus et assurant à l'occasion leur première partie. Lorsque Lou Reed et John Cale quittèrent le groupe en 1970, Richman estima qu'il était temps de retrousser ses manches, de voler de ses propres ailes, et de se lancer à son tour dans la musique.


De retour à Boston, il forma les Modern Lovers avec, entre autres, son voisin John Felice (futur leader des excellents Real Kids), David Robinson (futur Cars) rejoints plus tard par Jerry Harrison (futur Talking Heads), c'est-à-dire, rétrospectivement, une belle brochette de champions.


La joyeuse bande commença à jouer à droite et à gauche devant les nombreux étudiants de la ville, Jonathan distillant toutes ses influences velvetiennes dans «Pablo Picasso» ou «I'm straight». Ce dernier morceau, avec sa guitare minimaliste, tranchante, et répétitive avait d'ailleurs le chic pour faire frémir la barbe de tous les babas pas si cools qui, à cette époque, garnissaient les campus :


«Écoute, je t'appelle à propos de Johnny, le hippie : il est tout le temps défoncé, il n'a jamais l'esprit clair. Je t'ai vue aujourd'hui te promener avec lui et, tu vois, il fallait que je t'appelle pour te dire que j'aimerais bien prendre sa place. Regarde : il est défoncé, Johnny le hippie ! Et ben moi, tu vois, je suis un mec sain et j'ai envie de prendre sa place ; je suis un mec sain !»

Jonathan Richman et les Modern Lovers - I'm straight

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On le voit, à une époque où Yes, Jethro Tull et toute leur horde de hippies triomphaient, les Modern Lovers naviguaient un peu à contre-courant. Pis, lors de cette atroce période musicale que fut le début des années 1970 (la pire de l'histoire du rock), les Modern Lovers étaient quasiment les seuls à oser encore jouer du garage et du rock 60s à trois accords. La chance voulut qu'ils furent bons. Le garage, ils le réinventèrent même avec le frénétique «Roadrunner», souvent considéré (à tort) comme le premier morceau punk.


Autre air tourbillonnant datant de 1973 : «Government center», enregistré sous la houlette de Kim Fowley (le personnage le plus déjanté jamais interviewé par Rock'n'Folk). Voilà simplement l'une des chansons les plus entraînantes et les plus énergiques que je connaisse. Les paroles expliquaient justement comment le groupe ambitionnait de jouer sur la place centrale de Boston pour faire danser les secrétaires et leur faire coller leurs timbres en rythme. Tout ça démarrait sur une ligne de basse accrocheuse, relayée immédiatement par un orgue sautillant et par le timbre enjoué de Richman. Non, vraiment, on fait difficilement mieux en matière de rock'n'roll.


Jonathan Richman et les Modern Lovers - Government center

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Ce côté garage et quelque peu sauvage ne doit cependant pas éclipser une autre facette qui, lentement, allait éclore chez les Modern Lovers. Le groupe prit en effet l'habitude de jouer dans des écoles primaires, des établissements psychiatriques, des hôpitaux pour enfants ou pour personnes âgées. C'est face à ces publics insolites que Jonathan Richman modifia petit à petit sa manière d'appréhender la musique.


L'électricité des premiers enregistrements commença à laisser place à des morceaux acoustiques, tout en douceur, sur lesquels Richman pouvait dévoiler son univers naïf et enjoué, enfantin même ; un univers dans lesquel il chantait tour à tour son amour pour les insectes ou pour la cloche du marchand de glace, accompagné par des sonorités caribéennes, orientales ou 50s.


Parmi les merveilles enregistrées à cette époque, Jonathan Richman dédia l'une de ses chansons à sa terre natale (la Nouvelle-Angleterre), peut-être le plus bel hommage jamais rendu à une patrie :


«Mesdames et messieurs, je suis allé à Paris, je suis allé à Rome, mais que pouvais-je bien y faire à part regretter mon pays ? Je suis allé à l'Ouest, en Californie, mais ma terre natale me manquait. Dum-de-dum-de-dum-de-dum-day, o-oh : la Nouvelle-Angleterre !»


Jonathan Richman et les Modern lovers - New-England

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Richman et ses garçons ont influencé toute une légion de punks, ils ont enthousiasmé toute une tripotée d'enfants et de grandes personnes. Mais cela ne doit pas nous faire oublier qu'ils étaient aussi et avant tout de remarquables musiciens. Il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter les enregistrements de concerts datant de la fin des années 1970, et de remarquer la maestria dont faisait preuve Jonathan à la guitare ainsi que son aisance au chant.


Surtout, lui et ses musiciens parvenaient à jouer à l'instinct, ralentissant, s'arrêtant, repartant au gré des inspirations d'un Richman véritablement possédé par ce qu'il chantait, pleurant ou riant en plein morceau. Le groupe savait toujours s'accrocher à la bonne vibration, au bon flux, celui qui berçait et faisait danser à la fois. Et une fois le mojo attrapé, il ne le lâchait plus, en témoigne une mémorable version d'«Ice-cream man» au cours de laquelle le groupe, satisfait de son grouve, joua le morceau quatre ou cinq fois de suite devant un public hystérique.


Autre pépite enregistrée sur scène, «In the morning of our lives» figure parmi les plus belles chansons d'une discographie déjà remarquable. Ses paroles optimistes personnifient parfaitement le personnage de Jonathan Richman qui, rappelons-le, est le plus sympathique de l'histoire du rock.


Heureux les simples d'esprit, le royaume des Cieux est à eux.

Jonathan Richman et les Modern lovers - In the morning of our lives

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2 commentaires:

heebooh a dit…

Monsieur, j'aime beaucoup ce que vous faîtes !

Infrason a dit…

Coucou Heebooh, coucou.
Et merci!