vendredi 29 août 2008

Les Vieilles Charrues 2008

Adepte du journalisme total, Infrasons a décidé de s'immerger dans l'univers des festivals d'été, ces grandes messes rock qui se multiplient chaque fois que le soleil vient réchauffer nos contrées.
Le meilleur blog de France ne pouvant se rendre décemment que dans le plus grand festival hexagonal, le choix s'est porté sur les Vieilles Charrues, à Carhaix.
Qu'en retenir ? Simplement que, sur scène, tout tient à la gestuelle, au charisme et aux fringues. Les comptes-rendus qui vont suivre vous en convaincront certainement.

Mötörhead


On ne le dira jamais assez : la scène c'est l'école de la seconde chance , celle qui rebat les cartes et supprime tous les bonus/malus accumulés lors des enregistrements studio.
La prestation offerte par Mötörhead illustre parfaitement cette affirmation. Groupe indigeste sur album, il ne dévoile son intérêt que de visu.
Tout tient aux gueules, aux fringues, aux poses et à cette esthétique hardeuse 70s tellement cliché qu'elle en devient jouissive. En vrac : la dégaine de capitaine de cavalerie de Lemmy qui termine son concert en fusillant le public de sa basse, le foulard et la trogne de forban de son guitariste et puis, derrière, aux fûts, la tignasse blonde d'un batteur qui semble échappé d'un concert de Led Zeppelin ou de Spinal Tap.

Mötörhead n'est pas un bon groupe de musique ; c'est un vaillant escadron de cavalerie : méchant, sale, brutal et impitoyable. Voilà pourquoi ils méritent d'être vus.

Les Babyshambles


Lorsque Mötörhead quitte le champ de bataille, il laisse place à Ben Harper. Celui-ci prend alors l'exact contre-pied de ses prédécesseurs, peut-être afin de maintenir le grand équilibre du cosmos. Toujours est-il que le gentil Ben qui fait toujours des albums sympas à écouter chez soi ou avec des amis nous assène ici une prestation d'un ennui mortel. Assis sur sa chaise, la guitare sur les genoux, il tricote et retricote des solos d'une demi-heure. Ronfle, ronfle. Entre deux bâillements, je m'apperçois avec étonnement qu'une partie de la gent féminine est en transe. Voilà qui me dépasse.

Bref, c'est sans regret que l'on voit partir le bonhomme ; surtout que le gros morceau arrive : les Babyshambles. Tout l'entracte durant, le public se prend à imiter les derniers kilomètres d'une arrivée du Tour de France, lorsque les coureurs se placent en vue du sprint massif. Chacun essaie de se frayer un chemin dans un peloton de 50 000 personnes afin de gagner les avant-postes. À ce jeu, chacun à sa technique : jouer la prudence pour éviter les chutes ou bien prendre le sillage des costauds pour venir en découdre dans les derniers mètres.

C'est donc une meute compacte de pogoteurs primitifs et d'adolescentes qui se presse contre les barrières. Une fille simule des évanouissements afin qu'on la laisse progresser jusqu'au premier rang. Malheureusement, le public est trop serré pour que quiconque puisse la baffer.
Le lieu pullule d'une espèce animale que je croyais éteinte depuis 40 ans : celle des adolescentes hystériques qui hurlent et s'évanouissent sur toutes les vidéos des Beatles. Bah, après tout, mieux vaut se tirer les cheveux pour Doherty que pour 2B3.

Enfin, ça y est, ils arrivent ! A la surprise générale puisque tout le monde imaginait une annulation du concert ou, du moins, un retard de 5 ou 6 heures. On apprendra le lendemain que les organisateurs ont mené une opération commando dans le TGV pour faire descendre le groupe avant Guingamp, ville dans laquelle rôdent les douaniers...

Peau livide, costume cintré et chapeau noirs, l'apparition de Pete Doherty glace le sang ; sosie du héros des «Noces funèbres», il fait l'effet d'un fantôme.
Les premiers instants font craindre le pire, Doherty semble à peine tenir sur ses pieds, manque de tomber et peine à aligner deux paroles. Mince alors, pense-t-on, ce concert sent l'arnaque. A moins que l'on ait la chance d'assister à la mort de Pete sur scène...

Rapidement, cependant, les choses s'améliorent. L'attitude chaotique de Doherty devient fascinante. Tout dans sa manière de faire est déstructuré, surprenant ; le bonhomme s'assoit au milieu d'un morceau, comme ça, sans crier gare, puis se relève d'un coup, va embêter le caméraman en débranchant le cordon de son appareil, le tout avec une nonchalance proprement admirable.

S'il se contente essentiellement du chant, Doherty saisit de temps à autres sa magnifique Rickenbacker noire pour des mini-solos catastrophiques ; on dirait ce que je fais lorsque je m'efforce de jouer de la guitare ! Et pourtant, ce style approximatif ne semble pas le gêner ou l'inquiéter le moins du monde, comme s'il faisait partie du spectacle. Cette succession de mouvements et de sons désordonnés semble même s'insérer dans une rythmique étrange et étonnamment classe. Car, oui, sous ses airs chaotiques, ce pantin désarticulé se meut et agit presque en rythme, avec une souplesse renforcée par le millimétrage de son costume.

Alors, moi qui n'avait jamais vu Doherty et qui le prenait pour un abruti, je compris en le voyant : ce personnage est racé ; un surprenant sentiment de liberté émane de chacune de ses mimiques.
Et si beaucoup s'étaient étonnés que Doherty ait pu dépasser les 27 ans, âge auquel meurent généralement les icônes du rock, je compris une autre chose ce soir-là : Doherty est déjà mort. C'est un fantôme, un spectre facétieux qui vient encore s'amuser à jouer au rock.

Le lendemain, bien sûr, les canards de Pléhéven-sur-Scorff et Lanncoët s'accorderont à évoquer une prestation décevante, chaotique, fatiguée. Et bien non : ceux qui étaient au premier et qui sont encore dotés d'une once de goût témoigneront qu'il s'agissait d'un grand moment de rock'n'roll. Point. Et ce ne sont pas les journalistes avachis devant l'écran géant de l'espace presse qui leur feront changer d'avis.

Babyshambles - La belle et la bête
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Brisa Roché


Retour au festival deux jours plus tard. Pendant que le sympathique Etienne Daho expose son absence de voix devant le gros du public, la petite scène est occupée par l'Américano-Française Brisa Roché. La performance vaut largement le coup d'oeil, à la limite entre la chanson et la pantomime. Toute en noir, cheveux corbeaux et la taille serrée par une étrange chaîne qui ressemble à une ceinture de chasteté, Brisa trace d'amples gestes à chacun de ses mots. Si elle chante le mot arbre, elle vous dessine un arbre avec les mains. C'est très curieux mais assez convaincant ; car la chose tient musicalement la route, et peut-être aussi parce que les gens fous et passionnés sont toujours sympathiques.


Brisa Roché - Heavy dreaming
(Myspace / acheter Takes chez Gibert-Joseph)


Les Go ! Team


Petit détour en conférence de presse, je trempe mes lèvres dans la bouteille de jus de choucroute offerte aux journalistes par la rigolote Camille, puis je me rends en me frottant les mains au concert des Go ! Team. Car voilà un concert qui promet bien du funk.

La jolie chanteuse noire du groupe arrive avec sa jupe trop courte. C'est une véritable pile électrique ; peut-être une ancienne go-go-danseuse ou une prof de gym tonique, je ne n'en sais rien, mais elle nous offre une chorégraphie des plus dynamiques.

Le bémol, c'est le réglage du son : le chant n'est pas suffisamment mis en avant. Ça, de toute façon, c'est le mal récurrent de 73% des concerts de rock. C'est même étonnant si l'on pense au temps que mettent à chaque fois les roadies pour régler le son ... Enfin bon, si ça permet de créer des emplois...

Cela mis à part, la musique des Go ! Team est fantastiquement entraînante. Avec 2 batteries derrière et des samples, c'est une sorte de funk syncopé et rehaussé par les choeurs de deux Asiatiques. À certains moments, tous les membres du groupe bondissent ensemble à la manière d'un Pete Townsend sous amphétamine.
Je me répète certainement mais : mouvement, action, gestuelle, il n'y a que cela de vrai !

Go ! Team - Ladyflash
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Les Gossip


Il fallait le mériter ce concert en dernière partie de nuit. Il fallait supporter des remix de DJ en bois puis avaler le concert Matmatah qui, mauvaise idée, a décidé de se mettre au rock progressif (rassurez-vous : c'était leur concert d'adieu). Avant ça, les organisateurs avaient eu la mauvaise idée d'inclure un spectacle de Gad Elmaleh. Je dis mauvaise idée car, contrairement à un spectacle en salle, le public ne rit pas aux Vieilles Charrues ; il se contente de sourire. Or, voir Gad se démener devant un public silencieux produit une sorte de malaise, assez dérangeant en fait.

Il fallait donc le mériter ce concert des Gossip mais, vache de chez vache, qu'est-ce que ça valait le coup !
Les Gossip, pour ceux qui ne connaissent pas encore, c'est une chanteuse qui, outre le fait de peser deux quintaux, possède la voix d'Aretha Franklin et la pêche d'Iggy Pop. C'est absolument dément, surtout que les morceaux sont efficaces et assurés par une section rythmique sobre, classe et grouve. Le public, lui, est hystérique, complètement, comme rarement j'ai pu en voir.

Beth Ditto, puisque tel est le nom de la chanteuse, hurle, se roule par terre, agite ses bourrelets dans tous les sens, à tel point qu'on se demande s'il lui restera plus de 50 kilos l'année prochaine.
Cette fille est assurément l'un des personnages les plus charismatiques de la scène musicale actuelle. Et pour ceux qui riraient de la voir intégrée dans le classement des personnalités les plus sexy du rock établi par le NME : allez donc la voir en concert !


Gossip - Standing in the way of control
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(Voir le début du concert sur le site des Vieilles Charrues)


Mouvements et accoutrements, voilà ce qu'il faudra retenir des Vieilles Charrues 2008.

Photos : F. Villemin

3 commentaires:

Nikki Mod a dit…

Etant présent, j'approuve dans l'ensemble. A l'exception du fait que Motörhead soit indigeste en album, même si leur meilleure galette est... un live (l'infernal No Sleep Till Hammersmith).

Alan a dit…

C'est amusant

Anonyme a dit…

Très bien écrit, ça donne bien du regret de ne pas y être allé. Et joli portrait de Doherty en scène, on a l'impression de le voir en vous lisant.