lundi 26 mai 2008

Faine Jade

Quand on aime vraiment un groupe, on n'est jamais satisfait ; il nous en faudrait toujours plus : plus de disques, plus d'inédits, plus de faces B, plus de trucs, de machins et de bidules. Alors on creuse, on cherche s'il n'y a pas des démos, des lives, des chutes de studio ou des versions a capella qui nous auraient échappé. En général, on est déçu car, si les musiciens ont écarté les morceaux de leur discographie officielle, c'est qu'il y avait une raison.

Alors il faut se rendre à l'évidence : il n'y a plus rien à explorer, plus rien à découvrir chez ces artistes.

Mais parfois, coup de chance, il arrive qu'on tombe sur un sosie, c'est à dire un artiste qui, par coïncidence ou par hommage, est parvenu à produire des enregistrements ressemblant à s'y méprendre à ceux de notre groupe favori. Et là, on se frotte les mains en se disant : chic, chic, chouette, les affaires vont reprendre !

C'est exactement le cas de Faine Jade, sympathique grand dadais dont les chansons ressemblent étrangement à du Syd Barrett ou, dirons-nous, aux premiers Pink Floyd. Le pire, c'est que notre ami n'a même pas dû faire exprès puisqu'il habitait de l'autre côté de l'Atlantique (à Long Island) et qu'il a enregistré ses morceaux en 1968, c'est-à-dire une époque où Pink Floyd n'étaient pas encore de grandes stars et où Syd Barrett n'étaient pas encore totalement (génialement) fou.

Mais nous aurions tort de réduire Faine Jade au statut de sous-Syd Barrett car, et ces deux morceaux sont là pour vous en convaincre, ce garçon possédait un talent simplement stupéfiant, sachant composer des chansons folk mélodieuses et accrocheuses, teintées de reflets psychédéliques et couronnées d'un je-ne-sais-quoi de mystérieux. Le tout avec une production tout à fait décente. Bref, écoutez !

Faine Jade - Introspection
Faine Jade - Don't hassle me
(acheter Introspection : a Faine Jade recital sur Amazon)

dimanche 18 mai 2008

Excel


Les amis : je suis dans l'obligation de devoir réclamer toute votre discrétion car, aujourd'hui, je vais vous dévoiler l'un des plus grands secrets de l'histoire du rock, un trésor caché dont la connaissance ne se transmet que d'initié en initié à la suite de longues semaines d'entraînement et de méditation au sommet de montagnes sacrées. Ce secret, c'est un groupe de la fin des années 1970 appelé Excel.

Les informations sur le combo sont extrêmement rares et pas spécialement originales : quatre garçons de Bradford (Yorkshire) qui montent un groupe et qui sont, on ne sait trop par quel malentendu, signés par Polydor ; deux singles enregistrés, plus quelques démos au son caverneux et puis ... c'est à peu près tout ce qu'on peu dire.

Mais derrière cette biographie un peu bateau se cache un groupe absolument extraordinaire, capable de soutenir la comparaison avec les Buzzcocks, les Jam ou les Outcasts ; un groupe dont les morceaux jouaient dans la même division que «Teenage kicks» ou «Another girl, another planet», tout simplement.
Écoutez «What went wrong» : cette intensité, ce rythme trépidant qui vous ferait danser la guigue à tous les boiteux et culs-de-jatte de la terre. Et puis «Rock show» et «Bad news» avec leurs mélodies parfaites, leurs choeurs entrecoupés de riffs incisifs ; non mais quelle claque franchement ! Combien, combien, combien et encore combien existe-t-il de groupes de cette trempe cachés dans les oubliettes de l'Histoire ? Seigneur, faites qu'il y en ait encore quelques uns à découvrir pour mettre un peu de piment à nos vieux jours.

Oui, vraiment, les morceaux d'Excel sont de véritables chef-d'oeuvres Punk et Power Point. Euh non, pardon je voulais dire Power Pop ; mais Microsoft Office commence à sérieusement m'embrouiller l'esprit.

Action!
(morceaux publiés par les décidément formidables Mod Pop Punk Archives / Infos sur le groupe disponibles sur Boredteenagers)

vendredi 9 mai 2008

Cody Chesnutt


Je n'ai pas serré la main de beaucoup de rock stars. Une seule en fait, et ce n'était pas une star ; ni même vraiment un rocker ; c'était Cody Chesnutt.
Cela s'est passé aux Transmusicales de Rennes, juste après l'épouvantable prestation de Sébastien Tellier (racontée dans mon message précédent). Dieu, qui avait vu la performance chaotique de Tellier, avait comprit qu'il fallait rétablir l'équilibre de l'univers et, pour ce faire, nous offrir quelque chose de beau, de pur, de céleste. Alors Dieu envoya Cody Chesnutt.

Juste avant que l'illustre inconnu n'entre sur scène, une certaine excitation s'était emparée de la salle (encore toute amusée par la performance de Tellier). Un organisateur venait en effet de monter sur scène et, solennellement, s'était adressé au public :
«Mesdames et messieurs, je réclame votre attention. Je vais devoir vous demander d'éteindre vos cigarettes [nous étions avant la prohibition] car le musicien qui va entrer sur scène est asthmatique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il tourne assez peu et pour laquelle sa présence en Europe aujourd'hui est un véritable privilège. Je vous remercie.»

Tandis que les fumeurs s'exécutaient, un sentiment de curiosité gagnait la salle : qui était ce mystérieux Cody Chesnutt ? Cet asthmatique alité qui, peut-être, sortait pour la première fois de sa Georgie natale contre l'avis des médecins ?

Moi, j'ai toujours eu de la sympathie pour les asthmatiques. Car ils partagent entre eux un secret : ils sont les seuls à connaître et à avoir entendu le mystérieux joueur de flûte qui, certaines nuits, vient doucement les réveiller. L'esprit encore engourdi, ils perçoivent une mélopée lointaine, belle et triste ; un son provenant d'un instrument inconnu, comme un tube d'orgue sous-marin. L'étrange mélodie se rapproche petit à petit, jusqu'à ce qu'elle sorte brusquement de leur poitrine . Alors, instinctivement, ils se redressent et, alors que le chant de flûte s'estompe, ils éprouvent une sensation d'étouffement.

Alors que je méditais sur l'existence et les desseins du mystérieux joueur de flûte nocturne, une clameur s'empara du public : Cody Chesnutt entrait en scène. Et là, surprise, il enjamba directement les barrières de sécurité pour venir serrer, une à une, toutes les mains des premiers rangs. C'était la folie parmi les spectateurs : personne ne connaissait cet homme, mais sa barbe et sa casquette militaire ne nous laissaient aucun doute : c'était un prophète, un saint ; sa poignée de main guérissait les maladies. Lorsque mon tour arriva, Cody Chesnutt m'adressa, comme à tous, un long regard, fixe et perçant. Alors, oui, je sus, et il n'y avait aucun doute possible : il était l'envoyé de Dieu.

Devant un public rendu hystérique par son bain de foule, Cody monta enfin sur scène. Moi, je remarquai que son bassiste était le sosie d'Astérix ; et que, ce soir-là, la potion magique avait dû être bonne.

Lorsqu'on lit des comptes-rendus de concert, on voit souvent des phrases clichés style : «Il s'est vraiment passé quelque chose entre le groupe et le public», «Un moment d'anthologie durant lequel les musiciens ont communié avec leur auditoire» . En général, cette prose de midinette ou de mauvais journaliste me rend sceptique ou, au mieux, me fait rigoler. Mais là, franchement, je ne vois pas quels autres mots je pourrais employer pour décrire ce concert ; oui, il avait un truc : une flamme, un mojo, une voix soul soul soul, des incantations de prophète lorsque Cody levait son point en déclamant des paroles dont je ne comprenais que le mot «Djizeusse». C'est un souvenir fabuleux et, à coup sûr, un concert dont je reparlerai à mes arrière-petits-enfants.

Que dire maintenant de l'album The headphone masterpiece enregistré par ce même Cody Chesnutt ? Qu'il ne rend pas réellement compte du son et de la prestation scéniques. Il a un côté plus bricolage, plus accoustique, plus brouillon aussi car enregistré par Cody dans sa chambre avec un modeste petit 4 pistes. Mais même si le son est pourri, on peut percevoir sur certains morceaux la voix et la musique habitées du prophète Chesnutt.


Cody Chesnutt - When i find time
(Myspace / acheter The headphone masterpiece sur Amazon)