dimanche 29 juin 2008

La minute yéyé (6) : Clothilde

La toute première «Minute yéyé» publiée sur Infrasons avait décerné à Dani le titre de «championne du monde des yéyés» à égalité avec Clothilde. Beaucoup parmi vous ont dû se demander qui était cette concurrente car, il faut bien le dire, c'est une fille un peu oubliée.

Avant de vous conter l'histoire de cette Clothilde, je me permets de remarquer que, dans les années 1960, une loi interdisait certainement aux chanteuses françaises d'avoir l'usage d'un nom de famille (il suffit de regarder les chanteuses yéyé publiée sur ce blog: Dani, Violaine, Clothilde, Cléo). Quelques dérogations étaient, semble-t-il, accordées aux chanteuses les plus connues (Hardy, Vartan ou Gall) mais j'imagine que ce privilège ne s'obtenait qu'après avoir vendu des milliers de disques.

Après cette remarque (ni constructive, ni intelligente, je vous l'accorde), je peux maintenant m'attaquer au vif du sujet : Clothilde. La donzelle, donc, visiblement plus intéressée par la peinture que par la musique, enregistra avant ses 20 ans deux disques de sept pouces sous la houlette du producteur Germinal Tenas. Malgré quelques entrées dans les classements des meilleures ventes, sa carrière prit fin dès 1967 ; et c'est fort malheureux qu'elle dut être si courte.

Dans les disques de Clothilde, tout est formidable : voix, paroles, mélodies ou arrangements, tout concourt à créer un style sans équivalents, même chez les Anglo-saxons ; quelque chose que nous pourrions qualifier de "Pop psyché-baroque et cruelle" s'il fallait lui donner un nom.

Les paroles (signées Jean-Yves Gaillac) étaient certainement les seules à pouvoir rivaliser avec Gainsbourg ou le duo Lanzmann/Gainsbourg. Agréables à l'écoute, elles se caractérisent surtout par un humour noir et une cruauté qui, associés au timbre angélique et délicat de Clothilde, donnaient à chacune des chansons cette patine de délicieuse perversion.
L'instrumentation (orchestrée par Germinal Tenas) riche et sophistiquée ajoutait, pour sa part, une touche baroque et psychédélique absolument unique.

J'aime la France quand elle produit des choses comme ça.

Clothilde - Je t'ai voulu et je t'ai bien eu
Clothilde - 102 ,103
(acheter Sixties girls, vol.4 sur Amazon)

jeudi 19 juin 2008

Les Coral

Depuis que les Libertines sont séparés, depuis que les White stripes ont perdu leur fraîcheur et leur spontanéité, depuis qu'Aislers set ne sort plus d'album, le titre de meilleur groupe du monde a échu dans les bras d'une seule formation : les Coral.

J'entends déjà les plus jeunes d'entre vous, l'esprit plein de rêves et de projets, me demander s'il est difficile de devenir le meilleur groupe du monde. Et bien non : il suffit de suivre la recette employée par nos amis les Coral.

Prenez tout d'abord un bout de papier et inscrivez-y des doubles-croches, des silences, quelques dièses ou blanches aussi par-ci par-là, jusqu'à obtenir une mélodie tellement belle qu'elle semblera évidente, mais tellement raffinée et délicate qu'on la pensera venue de la Lune.

Ensuite, pétrissez une rythmique simple et accrocheuse, parsemée d'arpèges ahurissants et de xylophones cristallins. Mais, et c'est là le moment le plus délicat de la recette, encore faut-il lier ces ingrédients, leur donner du corps. Pour cela, il existe un petit secret : quelques cuillérées d'intonations rudes mais mélancoliques, un timbre qui rappelle les briques rouges de Liverpool, les brumes de la Mersey mais aussi, et surtout, les Quatre Fabuleux, ceux qui chantaient les revolvers et les sergents au poivre. C'est cela le petit secret.

Une fois la chanson terminée, on en écrit douze autres, plus magnifiques encore ; l'opération devant être répétée une fois l'an.
Dernière chose, vous aiguiserez les appétits en plaçant chacune de ces friandises dans de jolies petites pochettes. Et le tour est joué !

Je vous le disais, ce n'est pas si compliqué d'être le meilleur groupe du monde. Fastoche ? Alors à vous de jouer !


Coral - Cobwebs
(acheter Roots and echoes à la Fnac)
Coral - Pass it on
(acheter Magic and medicine à la Fnac)
Coral - Dreaming of you
(acheter The Coral à la Fnac)
(site / Myspace)
Coral - Cobwebs

mercredi 11 juin 2008

Dring toy


Si vous aviez été étudiants il y a deux années dans la bonne ville de Rennes, le Centre Régional Information Jeunesse aurait pu vous remettre un «Sac à trucs». Je n'invente rien, cela s'appelait réellement comme ça, et c'était d'ailleurs un nom très judicieux puisqu'il désignait précisément un sac rempli de brics, de bracs et de choses aussi variées que différemment utiles.

Or, cet appétissant «Sac à trucs» contenait, entre autres, un petit disque intitulé Plus de volume, compilation d'artistes rennais. De prime abord, la programmation pouvait sembler un peu énervante avec, c'était palpable, la volonté des compilateurs de satisfaire tout le monde en y faisant figurer absolument tous les styles, sans aucun oubli : chanson française à l'accordéon, trip-hop, hip-hop, métalo-rock, pseudo-garage, reggae, ...

Tout cela me fait penser à ces Grecs ou ces Romains qui, dans l'Antiquité, étaient tenus de vénérer toute une myriade de divinités. Et si par malheur ils oubliaient un jour d'offrir un sacrifice à la déesse des orties ou de célébrer la fête du saint-protecteur des hannetons, les dieux entraient dans une colère folle et détruisaient leur ville ou maudissaient leur famille pour 12 générations.
Les gens du Centre Régional Information Jeunesse devaient également être de grands superstitieux, pensant que le dieu du rock guinguette ou l'esprit malin de l'électro-jazz allaient les punir s'ils n'intégraient pas leur style dans la compilation.

Enfin bon, je critique, je critique mais, au fond, il faudrait surtout rendre hommage à cette excellente initiative qui permet de découvrir quelques petites perles ; et notamment le morceau «Suspens» de Dring toy. Je ne vous surprendrai certainement pas en précisant que Dring toy est un groupe rennais ; peut-être un peu plus en ajoutant que leur musique me fait songer à un mélange de trip-hop, d'électro et de reggae. Enfin c'est extrêmement chouette, et ça m'a donné envie d'aller sur leur site écouter d'autres chansons.

Une chose est sûre en tout cas : il ne faut jamais mépriser les «Sac à trucs».

Dring toy - Suspens
Dring toy - Évasion barbare
Dring toy - Modulation
(site / Myspace / acheter Incoming contact chez Foutadawa)
Dring toy - Suspens

mardi 3 juin 2008

Jayne Mansfield (et Jimi Hendrix)

Tous les mardis matin, le comité de direction Stratégie & Expansion du groupe Infrasons se réunit afin de déterminer la ligne éditoriale du blog pour la semaine à venir.

L'événement est toujours l'occasion de décortiquer les dernières tendances musicales, mais aussi d'observer les pratiques commerciales de la concurrence : quelle est par exemple la stratégie marketing de Sous les pavés la plage ou de Requiem pour un twister ? Quelles innovations graphiques sont en train d'être élaborées par People don't dance no more ou la Blogothèque ?

Jeunes consultants aux dents longues ou vieux cadres ventripotents, tous ne partagent qu'un objectif : conquérir de nouvelles parts de marché est faire d'Infrasons l'acteur de référence du secteur.

Or, ce matin, alors que la réunion du comité semblait s'éterniser en discussions houleuses et en désaccords sur la ligne directrice, le sous-directeur chargé de la Prospective proposa une idée qui ne tarda pas à faire consensus : «Aujourd'hui, expliqua-t-il, il n'y a pas de secret : si nous voulons attirer le chaland, il nous faut l'aguicher avec la photo d'une fille magnifique.»
Si tous les membres du comité semblaient partager cette idée, le débat s'engagea toutefois de plus belle ; chacun proposant une actrice ou une starlette susceptible d'officier comme vitrine : Marilyn Monroe ? Trop névrosée. Janis Joplin ? Trop laide. Britney Spears ? Trop chauve. Mimi Mathy ? Trop petite. Diam's? Vous êtes sûrs que c'est une fille ? Yoko Ono ? Et puis quoi encore.

Bref, il arriva un moment où, le ventre gargouillant, chacun commença à se persuader que cette réunion n'allait jamais prendre fin ; alors que les estomacs, eux, commençaient à vraiment prendre faim.
C'est le moment que choisit le chargé de projet Développement International (un jeune homme branché vivant la moitié de la semaine à New-York et parlant sept langues, voire neuf lorsqu' il était soûl) pour complexifier encore le débat : «Ce qu'il nous faudrait, argumenta-t-il, pour adapter notre produit aux attentes du consommateur, c'est associer plusieurs concepts à la fois ; par exemple, l'image de la grâce féminine avec l'électricité et la sauvagerie d'une panthère».

À peine eût-il prononcé ces paroles que le doyen du comité bondit sur ses pattes, en proie à la plus folle excitation : «Mais je sais ! Mais bien sûr! Il n'y a pas à hésiter : notre prochain article parlera de Jayne Mansfield, accompagnée à la guitare en 1965 par un tout jeune guitariste de studio nommé Jimi Hendrix.»

Le doyen avait tranché. La séance pouvait être levée.

Jayne Mansfield (et Jimi Hendrix) - Suey
(acheter I wanna be loved by you à la Fnac)