mardi 1 juin 2010

Amstrad, Commodore,... L'âge d'or de la musique de jeu vidéo


On ne le dira jamais assez : ce sont les contraintes matérielles et les limites techniques qui stimulent la créativité musicale. Installez Pro Tools, Audacity ou Music 3000 sur l'ordinateur de Mozart, il ne saura plus composer quoi que ce soit de valable. Mettez un orchestre symphonique à la disposition d'un groupe de rock, il produira forcement une abomination, une horreur qui ne plaira qu'aux fans de Metallica.

Simplicité et rusticité riment au contraire avec qualité ; les limites matérielles forcent les musiciens à se concentrer sur l'essentiel : la mélodie. Les deux âges d'or de la musique populaire (1964-68 et 1976-79) ne coïncident-ils pas avec l'allègement de l'instrumentation ? Deux guitares, une basse, une batterie et un magnétophone à quatre ou huit pistes : voilà qui suffisait, en ces temps bénis, pour enregistrer les meilleures chansons du monde.

Pourquoi vous raconter tout cela ? Parce qu'au cours des années 1980, les compositeurs de musiques de jeux vidéos se sont trouvés confrontés à des limites techniques qui, d'une certaine façon, les ont rapproché de la situation des garageux de 1967 ou des punks de 1977. Comme toujours, ces contraintes ont donné lieu à une émulation créative passionnante.

Petit retour en arrière. Les années 1980 sont marquées par la démocratisation de la mirco-informatique. Oric, Amstrad, Atari et autres Commodore investissent petit à petit les chaumières, généralisant la pratique du jeu vidéo. Bien entendu, l'industrie du jeu n'a pas encore dépassé celle du cinéma ; c'est encore le temps de l'artisanat, des informaticiens boutonneux qui conçoivent et programment des jeux de A à Z, seuls dans leur chambre, composant souvent eux-mêmes la musique qui accompagne leur création.

La musique des jeux, justement, était contenue dans des puces électroniques qui synthétisaient le son en temps réel (la bande-son n'était donc pas constituée, comme aujourd'hui, de samples pré-enregistrés). Inutile de préciser que ces puces audio ne pouvaient proposer qu'un éventail de sonorités fort limité et, avouons-le, aussi étrange que distordu.

Tel était le défi de ces courageux programmateurs de jeu : produire de véritables morceaux en assemblant des bip-bips bizarroïdes. Un nouveau mouvement musical était toutefois en train de naître. Rétrospectivement appelé «Chiptune», ce style continue aujourd'hui d'influencer une myriade de bidouilleurs électroniques, Ratatat en tête.

Limités par l'étroitesse des gammes sonores dont ils disposaient, les concepteurs de jeux savaient malgré tout déployer des trésors d'imagination pour produire des morceaux entraînants, parsemés d'effets sonores audacieux avec, toujours en ligne de mire, la recherche de la mélodie claire et aguichante. L'aspect pataud, bourdonnant, carillonnant, franchement désuet de cette musique lui confère, avouons-le, une chaleur des plus sympathiques.


Chris Hülsbeck - The Great Giana Sisters (1987)


LE chef-d'œuvre de la musique de jeu vidéo. Rien moins. Deux sœurs au patronyme italien bondissant sur des champignons dans un décors de plates-formes, le but du Great Giana Sisters était à peine caché : surfer sur la vague soulevée par Super Mario et son frère Luigi. Sorti sur Commodore 64, le jeu bénéficiait avant tout d'une bande-son à la beauté sans nom. Binoclard allemand à peine sorti de l'adolescence, Chris Hülsbeck signait ici une merveille qui allait lancer une carrière prolifique, entièrement dédiée à la musique de jeu vidéo.

Chris Hülsbeck - The Great Giana Sisters (Commodore 64) (1987)


Robocop (1988)


Adaptation du célèbre film (sorti un an plus tôt), Robocop était l'un des jeux phares de l'Amstrad CPC. Autant être honnête, la bande-son ne reflète absolument pas l'esprit du film. Construite sur un dialogue entre une basse sombre et bourdonnante et un enchaînement de twirlip-tibidips en première voix, elle dégage une mélancolie robotique presque hypnotisante. Comme dirait mon confrère Nikki Mod, il y a quelque chose de Strokes dans ce morceau ; des Strokes compressés en bip-bips...

2 commentaires:

Aime-ily a dit…

Et que dire de la légendaire et hypnotique musique de Tetris qui a accompagné les premiers joueurs de Game Boy?
Bon, sans rancune pour pour ce que tu as dit des fans de Metallica ;)

Infrason a dit…

Ce sera pour un second article : la musique des jeux vidéos du début des années 90. Il y aura aussi plein d'autres trucs géniaux avec Super Mario sur SNES, Zelda,...

Quant aux fans de Metallica, je suis content d'avoir pu toucher une corde sensible en m'attaquant au tabou du rock symphonique !