Infrasons inaugure aujourd'hui une nouvelle formule : l'interview musicale des personnalités qui font l'actualité. Mettant à profit notre carnet d'adresse épais comme une tranche de jambonneau, nous interrogeons aujourd'hui Nicolas Sarkozy, tout heureux de nous recevoir et de nous présenter ses disques préférés.
Infrasons : quel est le premier disque que vous avez acheté ?
Nicolas Sarkozy : je m'en souviens bien, c'était en 1967 ou en 1968, je devais avoir 12 ans. La veille, j'avais lavé la voiture de mon père et, pour la première fois, il m'avait donné un peu d'argent de poche. Je m'étais précipité pour acheter un 45 tours des Who : "Pictures of Lily".
Nicolas Sarkozy : je m'en souviens bien, c'était en 1967 ou en 1968, je devais avoir 12 ans. La veille, j'avais lavé la voiture de mon père et, pour la première fois, il m'avait donné un peu d'argent de poche. Je m'étais précipité pour acheter un 45 tours des Who : "Pictures of Lily".
"Les Who étaient meilleurs
que les Beatles"
que les Beatles"
Infrasons : vous aimiez donc déjà les Who ?
Nicolas Sarkozy : j'étais fou de ce groupe. Pour moi, les Who étaient meilleurs que les Beatles. J'aimais toute cette scène Mod anglaise, Creation, Small Faces, ils avaient un son tellement nerveux, explosif, avec des mélodies ciselées au millimètre. Leurs disques n'étaient pas faciles à trouver en France, mais j'avais un fournisseur : le père d'un ami qui était diplomate et qui voyageait souvent à Londres. A chaque fois, nous lui demandions d'écouter ce qui passait à la radio anglaise et il nous ramenait un ou deux disques. Notre chance, c'est qu'il avait bon goût. C'est lui qui a forgé ma culture musicale !
Infrasons : Ecoutiez-vous autre chose que des groupes Mods ?
Nicolas Sarkozy : pas vraiment. Dès que les groupes anglais ont tourné bluesy et hard au tournant 60s-70s, je n'accrochais plus tellement. J'ai eu un certain désintérêt pour la musique à cette période. Il a fallu attendre l'arrivée du Glam-rock pour que la flamme se ravive.
Infrasons : le Glam ? David Bowie ?
Nicolas Sarkozy : Oui, entre autres. Mais j'étais surtout fan de Sweet. J'adorais leur style efféminé, outrancier, leurs cheveux longs et leurs costumes scintillants à paillettes. C'était vraiment de mauvais goût, mais j'ai toujours eu un petit faible pour le rock crétin (rire).
Infrasons : on vous imagine plutôt écouter Johnny Halliday ou Enrico Macias...
Nicolas Sarkozy : on l'oublie souvent mais le Johnny des débuts était un tueur. C'était notre Elvis à nous ! Un morceau comme "Laisse les filles" me donne toujours envie de twister et de claquer des doigts. Après, bien-sûr, ça fait longtemps qu'il n'a plus sorti de bon disque. Je n'hésite pas à lui dire d'ailleurs ; car qui aime bien châtie bien. Quand à Enrico Macias, c'est évidemment un ami, mais ça ne veut pas dire que j'écoute ce qu'il fait (rire).
Infrasons : votre fils aîné, Pierre, est producteur de rap. C'est vous qui l'avez initié au hip-hop ?
Nicolas Sarkozy : ce doit être une question de générations, mais le rap n'est pas la musique vers laquelle je vais naturellement. J'écoute les Beastie Boys ou IAM, mais je garde une préférence pour le rap du début des années 80 : Sugarhill Gang ou Harlem World Crew. A cette époque, le rap était encore frais et funky. Je suis surtout heureux que Pierre s'investisse dans un domaine qui le passionne. C'est à lui de tracer sa voie.
♫ Harlem World Crew - Rappers Convention (1980)
Infrasons : y a-t-il un concert qui vous a marqué ?
Nicolas Sarkozy : oui, mon premier concert. Kevin Ayers était venu jouer à la fac de Nanterre ; je devais avoir 17 ou 18 ans. Ce garçon avait un talent immense : il savait écrire des chansons fabuleuses, un peu comme Syd Barrett à la même époque. Quand il est sorti de sa retraite, il y a trois ans, et qu'il a enregistré un nouvel album, j'étais fou de joie ! De tous les allumés psychédéliques qui ont marqué cette période, ce doit être le seul à avoir bien tourné.
Infrasons : à 22 ans, vous êtes élu conseiller municipal de Neuilly. Peut-on être dans la politique tout en continuant à écouter du rock'n'roll ?
Nicolas Sarkozy : bien-sûr, surtout quand on a un gugusse comme Brice [Hortefeux] dans son entourage ! Lui, il est incollable : il connait tous les bons disques. Je l'ai connu juste au moment où la vague punk a déferlé. Brice était à fond là-dedans: il se mettait de la colle UHU dans les cheveux pour avoir l'air ébouriffé ; comme Johnny Rothen ! Il m'avait entraîné au festival punk de Mont-de-Marsan où on avait vu les Clash, les Damned ou Marie et les Garçons. Au retour, il n'avait qu'une idée en tête : monter un groupe nous aussi. On a bien essayé le temps de deux ou trois sessions [Note : le groupe s'appelait Effraction et était composé de Brice Hortefeux au chant, Guy Lloras à la guitare, Nicolas Sarkozy à la basse et Jean-Noël Sarroni à la batterie] mais, sincèrement, il valait vraiment mieux que l'on se cantonne à la politique (rire).
"Brice sautillait sur place en battant la rythmique sur son volant"
Infrasons : on ne connaissait pas Brice Hortefeux sous cet angle !
Nicolas Sarkozy : j'ai fait les quatre-cent coups avec lui. J'aurais des milliers d'anecdotes à raconter ! Je me souviens par exemple de la campagne présidentielle de 1995. Nous sillonnions tous les deux la France dans sa 306, allant de meeting en meeting. Il fallait souvent rouler la nuit alors, pour ne pas s'endormir, on passait Helen Love à fond. J'adore cette chanteuse, c'est totalement idiot, mais je ne connais rien qui mette autant la pêche ! Brice sautillait sur place en battant la rythmique sur son volant. Avec tout le café et le Guronzan qu'on prenait, on était comme fous. Je me souviens de la tête des gendarmes qui nous avaient vu traverser un village à 3 heures du matin, la musique à fond et moi qui secouait frénétiquement le bras par la fenêtre (rire). Quelle époque, quand-même !
Infrasons : et aujourd'hui, qu'est-ce qu'écoute Nicolas Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy : il y a plein de choses intéressantes en ce moment. Je pense à tout ce mouvement néo-psychédélique qui nous vient de la Côte-Ouest : des groupes comme White Fence, les Fresh & Onlys ou les Oh Sees. C'est étonnant d'ailleurs que le mouvement réapparaisse précisément en Californie, là où tout a commencé. L'Histoire est un éternel recommencement.
"Il n'y avait plus de
tourne-disque à l'Elysée
depuis 1992 !"
tourne-disque à l'Elysée
depuis 1992 !"
Infrasons : à propos de recommencement, plutôt MP3 ou vinyle ?
Nicolas Sarkozy : vinyle évidemment ! Il n'y a même pas débat. C'est la première chose que j'ai fait installer quand j'ai pris mes fonctions de Président: une platine vinyle. Il n'y avait plus de tourne-disque à l'Elysée depuis 1992 ! Après, bien-sûr, et comme tout le monde, j'écoute des MP3. Cela reste le format le plus pratique. Ne serait-ce que pour écouter les morceaux que je découvre sur Infrasons ou sur d'autres blogs.
Infrasons : vous téléchargez illégalement des MP3 ? J'espère que les maisons de disque ne liront pas cette interview.
Nicolas Sarkozy : la crise que traverse l'industrie musicale m'attriste car elle concerne des centaines ou des milliers d'emplois en France. Mais, sans ça, je ne vois pas pourquoi je plaindrais des entreprises qui nous infligent leurs horreurs depuis 30 ans ! Leur mauvais goût et leur cynisme auraient déjà dû les faire disparaître depuis longtemps. Réfléchissez à ça : dans les années 60, l'industrie du disque misait sur les Beatles ; aujourd'hui, elle continue à vendre des millions d'albums des Beatles. Dans les années 90, elle misait sur Ace of Base ; qui achète encore du Ace of Base aujourd'hui ? Personne. C'est aussi simple que cela : c'est une histoire de bon goût et de sensibilité artistique. Et puisque vous voulez aborder la question du téléchargement : oui, je télécharge, mais seulement des morceaux isolés, jamais des albums entiers. C'est ce qui me permet de découvrir des tas de groupes et de passer ensuite au Silence de la rue ou à Born Bad pour acheter les vinyles. Je suis un énorme acheteur de disques, et c'est grâce aux blogs musicaux.
Infrasons : dernière question : parle-t-on musique entre chefs d'état ?
Nicolas Sarkozy : (rire) ce n'est évidemment pas notre principal sujet de conversation, mais ça peut arriver. Angela Merkel est assez branchée ska et rocksteady. Récemment, elle m'a fait écouter Toots et les Maytals que je ne connaissais pas du tout. Par contre, je n'ai jamais compris comment Silvio Berlusconi pouvait être fan de hard-rock néo-médiéval. C'est un éternel sujet de discorde entre nous car, franchement, qui peut écouter une horreur pareille ?!?
♫ Toots & les Maytals - 54-46 Was My Number (1968)
(acheter la compilation 400% Dynamite à la Fnac)
(acheter la compilation 400% Dynamite à la Fnac)
Note : il y a un an, Nicolas Sarkozy nous avait déjà fait découvrir les excellents Brimstone Howl. Vous pouvez relire la chronique ici.
3 commentaires:
Ahah ! Excellente utopie politique !
Et moi j'ai cru que c'était vrai!!!
Thanks for this bblog post
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