lundi 8 octobre 2007

Mississippi John Hurt

S'il en est parmi vous qui fréquentent les Nature et Découvertes, les magasins de décoration intérieure ou les bouddhistes végétariennes, ils doivent savoir ce qu'est la musique "Ambiance - Zen - Bien être". Parée de vertus relaxantes ou ésotériques, elle prend souvent la forme d'un pot pourri culturel : mélange de sonorités asiatiques et indiennes auxquelles sont superposés quelques flûtes de Pan, une harpe irlandaise et parfois un peu de synthétiseur.
Je n'ai rien contre tout ça ; cette musique accompagne même parfaitement les shampooinages à l'Ushuaïa et les sniffs d'encens. Mais si vous recherchez vraiment la paix intérieure, écoutez plutôt Mississippi John Hurt.

D'abord, c'est une histoire romanesque. Celle d'un simple garçon de ferme à qui les fées ont offert un jeu de guitare "picking" unique et une voix, la plus douce que ce monde ait entendue. Jouant régulièrement dans les bals locaux, il est repéré par le producteur Tommy Rockwell. Celui-ci l'emmène enregistrer à Memphis et New York en 1928-1929. Sans succès. De toute façon, la crise économique frappe brutalement l'Amérique : la maison de disque est en faillite et l'achat de disque n'est plus vraiment une préoccupation. Alors John Hurt retourne dans son Mississippi et se contente des travaux agricoles.
Cela pourrait presque ressembler à la fable du "Rat des villes et du rat des champs" : un campagnard monte à la ville plein d'espoir mais, désenchanté, préfère finalement revenir à son village. Oui, mais il y a un second chapitre.

Début des années 1960, un musicologue féru de musique populaire américaine (Tom Hoskins) tombe sur les enregistrements de 1928 et, enthousiasmé, décide de retrouver la trace de ce chanteur oublié. Premier indice : son surnom indique son état d'origine (le Mississippi). Et puis il y a les paroles d'un des morceaux ("Avalon blues") dans lequel John Hurt raconte son périple new-yorkais: "New York 's a good town but it's not for mine [...] Avalon is my hometown, always on my mind". Mais, mauvaise surprise, Tom Hoskins ne trouve aucun lieu appelé Avalon. Décidément tenace, il se lance dans l'étude des vieilles cartes et finit par trouver ce qu'il cherchait, sur un atlas de 1878.
Le coeur battant, Tom se rend à Avalon et, première surprise, retrouve notre vieux Bluesman. Seconde surprise, celui-ci n'a rien perdu de son talent au cours des 35 années. Alors Mississippi John Hurt retourne dans les studios, participe à des festivals. La jeunesse américaine, qui redécouvre le folk grâce à des garçons comme Bob Dylan, l'adule immédiatement.
John Hurt peut maintenant s'éteindre en paix, en 1966, laissant des enregistrements d'une beauté stupéfiante. Pas un mélange artificiel de sonorités "ethniques" ; non : l'authenticité même : celle du Blues et du Folk, une musique qui a une âme / soul / Seele (appelez-là comme vous voudrez) : l'héritage séculaire de milliers de paysans, forçats ou troubadours anonymes.
Les fabuleux enregistrements de 1928 appartiennent désormais au domaine public. Le site des Internet Archives les propose en téléchargement:


Et puis, en bonus, une autre chanson:

Mississippi John Hurt - Coffee blues

2 commentaires:

Unknown a dit…

Je trouve que ce blog est nettement au-dessus de la moyenne. L'autre jour j'ai eule plaisir de découvrir les 13th Floor, que je ne connaissais que de nom, et maintenant je viens de craquer aussi pour Mississippi John Hurt.

Nikki Mod a dit…

Internet Archives ? Quelle formidable idée ... Je me demandais à quoi cela pouvait bien servir, sinon à trouver la date de naissance de ... un soir d'ennui ;-)